Chapitre 2
Cela fait quelques jours que je suis dans cette prison, et déjà la première étape de mon plan n'a pas fonctionné comme je l'espérais. Trouver des alliés, ou ne serait-ce que des amis ici, c'est comme essayer de trouver le meilleur parti politique : il faut tellement arrondir les angles que je peux facilement classer la plupart des prisonniers du moins pire au pire.
Après ces quelques jours en prison, j'ai pu comprendre son fonctionnement. Tout d'abord, il faut savoir que la prison est séparée en cinq branches, elles-mêmes réparties sur plusieurs étages. Dans ces cinq branches qui forment une étoile, il y a plusieurs types de prisonniers. Il y a la branche pour les traîtres et les prisonniers de guerre, celle pour les psychopathes, sociopathes et autres, celle pour les détenus classiques comme des voleurs ou des escrocs, une autre branche pour les prisonniers tueurs qui ont une section spécifique, et pour finir, la dernière branche est utilisée pour les terroristes et grands criminels, pire que les psychopathes.
Grâce à mes observations, j'ai compris que le bâtiment qui relie toutes les branches entre elles est le bâtiment des salles communes. Car oui, à part la 5e branche et la deuxième, tous les autres ont le droit d'avoir accès à ce bâtiment. À l'intérieur se trouve notamment la cafétéria pour manger, les sanitaires tels que les salles de bain et les WC, mais il y a aussi le poste des gardiens. Juste à côté de ce gros bâtiment qui sert à emprisonner les prisonniers, se trouve la forteresse.
Surnommée ainsi par les gardes, car c'est une ancienne tour de garde utilisée il y a quelques siècles, ce bâtiment est principalement utilisé pour l'administratif ou pour les exécutions. En parlant de ça, comment ça se passe une exécution à notre époque ? Et bien, c'est très simple : pour cela, un garde vient vous chercher et vous annonce que c'est l'heure. À travers la seule fenêtre de notre cellule, nous pouvons voir le garde emmener quelques prisonniers avec lui. Ces prisonniers sont attachés au poignet par une grosse corde. Ils sont donc obligés d'être en rang et de suivre le garde gentiment. Bien entendu, une fois entrés dans le bâtiment, nous savons tout de suite ce qui leur attend : quelques papiers administratifs avec leur avocat ou des derniers adieux avec leur famille, puis ils se font emmener sur la place publique devant les grandes portes pour se faire exécuter à la guillotine. Il arrive quelquefois que les prisonniers meurent d'un tir de pistolet.
Voilà pourquoi la réputation de cet endroit est aussi forte dans les mémoires et dans les esprits. Mais c'est aussi pour ça qu'il faut absolument que je me fasse au moins un allié ou une connaissance. Alors que j'étais dans ma cellule en train de réfléchir, je repense aux trois gars qui m'avaient parlé le premier jour. Il me semble qu'ils s'appelaient le Petit, Vague et Rock. Je ne sais absolument pas dans quelle cellule ils se trouvent, mais s'ils ont eu accès au bâtiment central, dans ce cas, ils ne sont que des criminels de base. Ce sont les seuls à m'avoir parlé et à s'être intéressés à moi. Peut-être que la prochaine fois que je les vois, j'irai les rencontrer et leur demanderai leur aide.
Le lendemain après-midi, alors que j'allais au réfectoire pour manger à la fin du service, pour éviter tout le monde, je remarque le petit groupe encore à table qui termine de manger en riant très fort. Je m'avance vers eux avec mon plateau-repas et m'assois à côté de Rock. Les trois me regardent soudainement, toujours avec leur sourire. Le Petit commence donc à prendre la parole :
— Alors, comme ça, tu reviens ? — Oui, on dirait. — Dis-nous, qu'est-ce que tu nous veux ? — Faisons une alliance. J'aimerais avoir des amis ou des alliés ici, et en échange, je vous aiderai à sortir.
Ils se regardèrent un peu surpris. Mais cette fois, c'est Vague qui prend la parole : — Et pourquoi on te ferait confiance ? — Parce que j'ai été accusé à tort et envoyé ici sans même avoir le moindre justificatif. J'ai à peu près un mois avant mon procès, donc si j'arrive à prouver mon innocence, je pourrais réussir à vous faire sortir d'ici un peu plus tôt. — Tu ne sais même pas dans quel secteur nous nous trouvons. — Et bien... non, en effet. — Je suis même sûr qu'il ne sait même pas lui où il est, rétorque Rock. — Est-ce que vous, vous le savez ? — Bien sûr, tu es dans la section des meurtriers, dit le Petit. — Quoi ?! — Quoi, on ne te l'a pas dit ? dit-il. — Bien sûr que non, on ne m'a rien expliqué du tout. — Et bien vois-tu, Vague et moi, nous sommes dans la branche des voleurs et des escrocs, et Rock est dans la même partie que toi.
Intérieurement, je savais que c'était le cas. La première fois que nous nous sommes rencontrés, j'avais des frissons dans tout mon corps. Mais si je deviens ami avec ces trois-là, je suis rassuré d'en avoir au moins un à côté de moi. — Bon, écoute, dit Rock, nous sommes d'accord pour cette alliance, mais seulement si tu arrives à nous faire sortir peu après toi. On en a marre d'être ici, donc si tu peux nous enlever quelques années, ce serait pas mal. — Très bien, dans ce cas, nous avons un marché.
Juste après ça, j'ai passé les derniers jours à réfléchir encore et encore au pourquoi et au comment j'en suis arrivé dans la branche des meurtriers. Je ne vois pas qui aurait pu m'accuser ainsi de meurtre, surtout que je ne sais même pas qui est la victime. Si c'était une victime lambda sans caractéristique, on m'aurait probablement mis avec les psychopathes, mais si je connais la victime, alors dans ce cas, je suis un meurtrier, du moins ces temps-ci, aux yeux de la loi.
Finalement, après ces quelques jours de réflexion, un garde vient ouvrir ma cellule et m'attrape les poignets. À ce moment-là, mon cœur s'est presque arrêté sur place. On m'a placé la grosse corde que probablement plein d'autres prisonniers avant leur mort ont portée comme bracelet pour leur dernier voyage. On m'emmène ensuite dans la partie bureautique. J'étais le seul à avoir été pris par les gardes, ce qui me faisait encore plus peur. Un jour dans l'histoire de cette prison terrifiante, une rumeur a circulé dans la ville comme quoi un prisonnier avait été exécuté avant même son procès, car ce dernier était un psychopathe et prisonnier de guerre. Il aurait essayé de s'enfuir mais il aurait été rapidement attrapé. Ce dernier a donc été exécuté par un tir devant la place publique, comme à son habitude. Or, comme ce prisonnier n'avait pas encore été jugé coupable, la prison a été beaucoup critiquée et le procès a donc eu une erreur de procédure. Cela a créé un véritable scandale, mais en cherchant, les journalistes n'ont jamais trouvé de prisonnier qui aurait été exécuté par un tir avant même son procès, créant un certain mystère.
Mais heureusement, en arrivant là-bas, je vois un homme en costume qui tient plusieurs documents. Ce dernier me salue et me dit qu'il est mon avocat. Nous sommes donc conduits dans une cellule beaucoup plus spacieuse que la mienne et beaucoup plus propre pour pouvoir y parler. À l'intérieur, je m'assois sur un siège pas très confortable et usé. Mon avocat, lui, a droit à une chaise standard classique bien propre. Il pose son tas de dossiers à côté de lui puis me regarde sérieusement.
— Je viens vous annoncer le décès de votre voisin, et vous êtes suspecté de l'avoir tué, me dit-il droit dans les yeux. — Mais comment est-ce possible ? Qu'est-ce qui s'est passé ? — Je vais vous révéler pour le moment des éléments de l'enquête. Vous ne devez en aucun cas les divulguer, que ce soit à la presse ou à toute autre personne. — D'accord, alors dites-moi. — Le corps de votre voisin a été retrouvé par sa femme le jour de votre arrestation, ce qui remonte à environ une semaine et demie. Le corps en lui-même présentait des traces de lutte, comme dans l'appartement. L'appartement a été saccagé, montrant qu'il y a eu une bagarre, et ça s'est fini par votre voisin qui s'est vidé de son sang après un coup de couteau.
J'essaie d'assimiler les choses, en réfléchissant à comment cela aurait pu arriver, sachant que je n'étais même pas dans mon appartement au moment de cette fameuse arrestation. Mon alibi est solide et ça, je le sais. Pourtant, je ne peux m'empêcher de savoir également que la justice s'en moque éperdument. Ils veulent les faits, rien que les faits.
— En bref, le corps présentait des choses étranges. Tous les vases de chez lui ont été utilisés pour entourer le corps. À l'intérieur de ces vases, nous n'avons rien trouvé de particulier, rien qui ait attiré notre œil. Le corps était entouré de vases, cinq précisément, que vous avez offerts à votre voisin. Uniquement les vases que vous lui avez offerts, les autres n'ont pas été touchés.
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