Chapitre 7

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— Écoute, je voulais te dire, merci de m'avoir aidé, dit-il, sa mâchoire crispée comme si dire un simple merci lui coûtait beaucoup. Je sais qu'à la base tu voulais aider ton ami en premier, mais vous avez quand même réussi à me venger. Donc, rien que pour ça, respect.

Je suis surpris, étonné, mais surtout confus par ce qu'il est en train de me dire. Que puis-je répondre à cela ? La brute, celle qui terrorise tous les prisonniers, vient de me remercier et de me donner son respect. C'est presque comme recevoir un message de Dieu, du moins c'est ainsi que je le perçois. Alors, la question qui me taraude l'esprit est : pourquoi ? Il n'a aucune raison de faire cela, puisqu'il l'a dit lui-même : je l'ai fait essentiellement pour mon ami, pas pour lui.

Peut-être qu'en fin de compte, cette personne, que l'on qualifie de brute, est en réalité quelqu'un de très gentil et mérite une seconde chance.

Même en essayant de me convaincre, ces mots ne résonnent pas bien dans ma tête. Et à l'oral, c'est encore pire. Il est impossible qu'il mérite une seconde chance après tout ce que j'ai entendu. Son casier judiciaire est aussi long que son corps, qui est déjà très grand. Alors, je le regarde en essayant de paraître normal et lui demande...

— Pourquoi ? Est-ce que tu sais quelque chose à propos de mon affaire ? 

— Peut-être, me répond-il. À vrai dire, je connais quelques détails que tu n'as peut-être pas vus avec ton avocat. Il reprend son air habituel, froid et presque fou. 

— Dans ce cas, est-ce que tu veux bien me donner ces informations ?

— Non, tu ne les mérites pas encore. 

— Et comment dois-je les mériter ? 

— Tu dois me montrer ta loyauté, me dit-il. Je veux savoir si tu seras un ami fidèle ou un sale traître comme tous ceux qui me suivent. 

— Et en quoi cela consiste-t-il ? 

— Laisse-moi réfléchir un peu. On en reparlera plus tard.

Sur ces mots, il est parti sans rien dire, sans rien faire de plus. Il s'est simplement levé et est parti. Je suis resté sur ce banc encore quelques minutes, confus, incapable de discerner ce qui était réel de ce que mon imagination rejetait. Est-ce que je commençais à perdre la tête ? Après tout, tout cela me monte à la tête. Hier encore, j'imaginais que la porte de ma cellule était ouverte, que je pouvais enfin être libéré suite à l'enquête qui m'avait innocenté. Mais en me levant pour essayer de l'ouvrir, je n'y suis pas parvenu.

Et le garde qui était à côté de moi, celui qui faisait sa ronde et qui arrivait juste au bon moment devant ma cellule, me regarda d'un air étrange. Il pensait que j'étais devenu fou ou que j'hallucinais. Il se moqua de moi, puis il est parti. Son ombre est passée devant mon corps, et c'est à ce moment-là que j'ai réalisé que j'étais encore en train de rêver. Je me suis d'abord demandé si je n'étais pas devenu somnambule, ce qui peut arriver dans ce genre de cas. J'avais lu beaucoup de livres sur le sujet, car à un moment donné de ma vie, la psychologie m'avait beaucoup intéressé.

Ces livres, bien qu'utiles et parfois stupides, m'avaient pendant un certain temps transformé en un autre homme. Il était logique que cela m'affecte profondément. Comprendre les comportements humains est une chose que seuls des gens réellement passionnés, ou dérangés, ont le droit de toucher. Pour nous, simples humains, nous devons nous en tenir à l'écart pour éviter des conflits inutiles. 

Ah là là, je me souviens de la fois où, après avoir terminé un magazine de psychologie qui détaillait le comportement humain des gens à table, je m'étais disputé avec ma mère parce qu'elle présentait un signe d'angoisse.

Et bien entendu, quand je lui ai demandé, elle m'a dit que ce n'était pas vrai et que j'étais en train de devenir un allumé, un terme plutôt simple de sa part pour désigner les cinglés, les fous et toute autre personne ayant un problème. Elle, qui était du genre grossier et parlait sans filtre, avait donné un nom plutôt simple pour les désigner.

Mais je m'égare. D'ailleurs, en parlant de souvenirs, je me demande si ma femme est impliquée là-dedans. Après tout, tout le monde peut très bien faire partie d'un complot. Peut-être même qu'elle et une autre personne, possiblement son amant, se sont débarrassés de mon voisin pour me faire accuser du meurtre. Mais dans ce cas, il aurait fallu qu'ils soient très précis et minutieux pour ne laisser aucune trace. Même si son amant est expérimenté, cela voudrait dire qu'il fait peut-être partie de la police. Mais s'il fait partie de la police, cela veut dire...

— Et mec, je crois que tu t'es perdu dans tes pensées, me dit le petit. 

— Hein ? Je venais de me rendre compte que depuis hier soir, je ruminais sur une personne qui n'était même pas concernée par cette affaire. Ma femme est certes une vénale qui ne veut que mon argent, mais ça ne change rien au fait qu'elle n'aurait jamais osé. Si je mourais, elle ne toucherait absolument rien de l'assurance. Et même dans ce cas de figure, elle ne pourrait rien obtenir. 

— Alors, tu réponds ou pas ? me dit Vague. 

— Vous pouvez répéter ? 

— On a dit qu'on a peut-être une piste concernant la personne qui t'a fait accuser du meurtre. 

— Ah, et donc, qu'est-ce que vous avez ? 

— On pense que c'est le directeur de la prison. La brute nous a dit que tu n'étais pas le seul à avoir été exécuté pour une histoire comme ça. Il paraît que d'autres, comme toi, ont été piégés et n'ont jamais réussi à gagner leur procès. 

— Vraiment ? Et c'était quoi leur histoire de meurtre ? 

— Comme toi, c'est-à-dire que les policiers ont retrouvé leurs voisins, comme tu peux t'en douter, morts, évidemment tous de la même manière. Et surtout, sur chacune des scènes de crime, ils ont retrouvé des objets que le suspect principal, donc des gens comme toi, leur avait offerts. 

— Et qu'a fait la police ? ai-je dit avec un peu d'espoir que la police allait relier ces affaires à la mienne. 

— Et bien, dit le petit, il hésite un instant puis regarde Rock et Vague comme pour leur demander conseil sur ce qu'il doit me dire. 

— Vas-y, tu peux me dire tout ce que tu sais, ça ne changera rien entre nous. 

— Ce n'est pas que j'ai peur que ça change entre nous, puisque nous sommes devenus des frères de prison. C'est simplement que j'ai peur que ça te démoralise ou pire encore, et je ne veux pas ça pour toi, toi qui étais si déterminé à te venger. Pour moi, c'est important. 

— Dans ce cas, je suis prêt à encaisser tout ce que tu me diras. 

— Et bien, ils ont été accusés et n'ont pas réussi à prouver leur innocence. Ils sont morts, dit-il.

Je suis à la fois sous le choc et déstabilisé. Bien sûr, je savais d'avance qu'ils ne s'en étaient pas sortis indemnes. Après tout, ils ont été accusés de meurtre ; les libérer serait aussi considéré comme un crime pour la société. Mais de là à les tuer directement, cela veut donc dire que l'ami de Rock qui me disait que quelqu'un voulait ma mort avait raison. Quelqu'un dans cette prison, ou même dehors, cherche à tout prix à piéger des gens.

Le pire, c'est que lorsque Vague me raconte les autres scènes de crime, elles semblent avoir été mises en scène petit à petit. C'est-à-dire que si, pour mon voisin, on a retrouvé 5 vases alors que je lui en ai offert 6, le dernier n'a jamais été touché.

Et pour cause, c'était le cinquième meurtre organisé. Apparemment, le tueur aime entourer sa victime d'objets offerts par celui qu'il souhaite voir mort également. Entre autres, à chaque meurtre qu'il commet, il compte ce qu'il tue brutalement, comme mon voisin, puis celui qu'il souhaite voir mort, comme moi.

Malheureusement, je n'ai pas le temps de trouver une solution et de comparer les dossiers, car mon avocat vient me chercher un jeudi pour m'emmener au tribunal.

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