Chapitre 8. Rencontres.

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Sonia a dit qu'on allait voir le patron. Celui que j'avais juré de ne jamais avoir affaire avec lui. Je ne veux pas le rencontrer, ou alors très tard dans ma vie.

Je viens de me réveiller un jour après cette promesse et je dois aller le voir. Le stress se fait sentir au creux de mon estomac. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais lui dire. Bon. Primo : je lui demande où est ma mère et si elle va bien. Secundo : je lui demande où est David et ses parents et s'ils vont bien. Tertio : je ne sais pas. J'improviserais ce n'est pas grave. Je n'avais jamais eu d'amis ni rien et je m'en suis très bien sortie. Même quand je me faisais harceler je m'étais fixée deux règles : n°1 : ne jamais dépendre de quelqu'un et n°2 : ne jamais laisser quelqu'un dépendre de moi. Oui j'ai fixé ces règles quand j'avais quatre ans. C'est trop dangereux pour la personne. A travers mes pensées j'entends la voix de ma guide qui me dit de me dépêcher et que l'on est bientôt arrivées. Je cours pour la rattraper. En effet on est devant une porte très sécurisée, avec deux caméras, un verrou, un code numérique avec écran vidéo pour voir le visage de la personne qui veut entrer. Il doit être super important en plus d'être patron. Sonia fait barrage avec son corps pour ne pas que je vois le code qu'elle saisit. La même voix que celle du labo, bien que légèrement modifiée, sort d'une petite boîte à côté de l'écran.

— Qui est-ce ?

_ Sonia, Monsieur, je suis avec la nouvelle.

_ Montrez vos têtes à l'écran.

_ Bien Monsieur.

Je m'approche de Sonia et colle ma tête à la sienne, pour être sur l'écran.

_ OK. Montrez vos mains.

_ Oui Monsieur.

Discrètement, elle m'explique que c'est pour vérifier que nous ne sommes pas armées. Nous montrons nos mains vides. Zzzt ! Comme l'ouvre-porte d'un immeuble, la porte s'entre-ouvre un peu. Sonia pousse la porte et entre. Je la suis. Elle referme la porte derrière elle et vérifie qu'elle est bien enclenchée. Il n'y a pas de retour arrière possible. Elle est fermée, on ne peut pas l'ouvrir de l'extérieur et pas non plus de l'intérieur à part si on a accès au mécanisme d'ouverture. S'il arrive quelque chose au patron, celui qui est fautif reste enfermé sauf s'il saute par la fenêtre. De toute façon il y a deux caméras à l'extérieur et une à chaque coin de la pièce, à l'intérieur (ce qui fait six caméras). Le bureau est situé à l'opposé des fenêtres munies de tentures épaisses. Des néons éblouissants sont le seul éclairage car les rideaux sont tellement épais que je ne sais pas s'il fait nuit ou jour. Un paravent nous oblige à avancer d'avantage pour voir celui qui dirige cet ignoble endroit. Je pivote des talons pour me retrouver face à lui.

Quand je le vois une colère profonde m'envahit. Je comprends pourquoi c'est si sombre et si bien protégé ! Il a peur d'une révolte si les nôtres savaient ce qu'il est. Et du soleil en prime. Car non, je ne rêve pas. Ce type est comme moi. Comme ceux qu'il martyrise. Comme ceux qui sont enfermés. Ce n'est plus de la colère, c'est de la haine et de la rage à l'état pur qui me contient.

Il va regretter l'instant où il a décidé que je serais C, ça va me servir pour le tuer, même s'il faut que je lui arrache le coeur avec mes mains. J'ai de la chance j'ai toujours aimé avoir des ongles longs et pointus. Ça doit se voir sur mon visage que je suis fâchée car il recule son siège, où il est assit, jusqu'à toucher le mur derrière lui. Comme s'il voulait s'éloigner de moi, la peur est sur son visage. Brusquement, son attitude change et il se lève, ouvre les bras et sourit en s'avançant vers nous. Je me tiens sur mes gardes, méfiante, je plisse les yeux cherchant ce qu'il va faire. Il marche vite et quand il est à quinze centimètres de moi, il s'arrête. Je sursaute quand il prend mon visage dans ses mains chaudes et douces. Mon subconscient me dit que j'ai envie de rester calée dans ses mains pour le reste de ma vie mais en même temps j'ai envie de le repousser, de partir loin de lui. Je recule mon cou pour qu'il me lâche mais il est trop fort. Ses yeux me scrutent avec attention. Je resursaute ne m'attendant pas à ce qu'il me parle :

— Je ne m'attendais pas à te retrouver si vite. Tu m'as beaucoup manqué tu sais ? Je t'ai tellement cherchée. Enfin ! Je te connais mais j'ignore plein de choses sur toi. Quel est ton nom.

Je n'arrive pas à me poser des questions, je suis incapable de faire autre chose que lui répondre. Je ne pense plus à ce que je voulais lui dire. Je ne me rends pas compte que c'est étrange qu'il me connaisse.

_ Je m'appelle Sélène.

_ C'est un magnifique prénom, parfaitement adapté pour toi. Tu as quinze ans maintenant.

_ Oui. ( Je confirme son affirmation).

_ Je suis désolé pour ton épaule, je ne souhaitais pas que cela se passe comme ça, sincèrement.

Je suis électrifiée, je ne peux plus bouger, j'en suis incapable. Je sens mon sang battre sur mes joues, à travers la peau de ses doigts, son contact m'apaise et me révolte. La colère que je ressentais tout à l'heure est présente mais moindre. Un calme inconnu me remplit petit à petit mais je lutte pour garder ma colère. Pas question de céder ! Je dois être contre lui. Contre du genre opposé à lui. Il voit que je résiste, dans mes yeux. Il se rapproche encore jusqu'à se coller contre moi pour me faire un câlin. Il me lâche le visage pendant une milliseconde pour mettre ses mains dans mon dos. Un frisson parcourt mon corps malgré sa chaleur corporelle. Le calme qui provient de lui englobe la colère et je me détends vraiment pour la première fois depuis quelques jours.

Une grande lumière blanche passe dans mes yeux. Je hurle et tombe sur les genoux, par terre. Je respire avec peine, j'ai l'impression que l'on m'a tranché le bras. De ma main droite je comprime mon épaule, c'est visqueux et liquide. Avec effroi, je retire ma main. Rouge. Mon sang goutte sur ma paume, vers le bout de mes doigts pour tomber sur la moquette bleue foncée, par terre. Ma blessure s'est rouverte mais c'est lui qui a fait ça. Ravalant péniblement un nouveau cri, je lève les yeux vers lui. Il a un poignard, rouge de sang. Il tend la main devant lui et s'ouvre les veines avec. Il s'avance vers moi et uni nos deux plaies, nos deux sangs. Ceux-ci se mélangent et prennent forme, créant un portail de sang, au dessus du sol, sans rien salir. Il est comme en lévitation attendant quelque chose. La porte sanglante est à moins d'un mètre, je tends mon bras valide pour le toucher et je passe à travers. Je ne le traverse pas, je passe à travers, c'est différent. Si je le traverse ma main serait visible de l'autre côté or là ma main est DANS le Portail (je viens de me souvenir de la prophétie).

Le problème c'est que c'est censé libérer les prisonnier, et qu'ils n'ont aucun moyen d'accéder à cette pièce. Une larme s'échappe de mon oeil et vient glisser sur ma joue. J'ai ouvert le portail donc je suis bien la fille de la Lune. J'ai échoué, je ne peux pas les libérer. Une autre larme coule, de douleur cette fois. Je fixe mon regard au sien. Il baisse le regard, ne supportant pas mon regard intense et presse un bouton rouge sur le mur. Une alarme stridente sonne. Je me rends compte que Sonia n'a pas bougé depuis notre arrivée, elle est presque hypnotisée. Comme si elle m'avait entendue elle se tourne vers moi, se rendant brusquement compte de la situation, je vois ses yeux regarder avec affolement mon épaule sanglante, la moquette devenue marron-violette à cause du sang et l'impressionnant Portail de Sang. De la même manière qu'elle a repris conscience de la réalité, elle entend l'alarme. Elle sursaute, voyant son maître un couteau dans la main et tenant un poignet de la même couleur que mon épaule. Son regard repasse sur le Portail et s'y arrête. Ses yeux s'y arrêtent et elle pousse un cri de joie :

— Youpi, Monsieur, vous avez réussi, enfin !

_ Ils en mettent du temps pour arriver.

Ce n'est pas une réponse à la parole de Sonia, il a toujours cette voix posée, calme et un peu menaçante. Je crois qu'il n'en a rien à faire de Sonia. Il l'a un peu oubliée. Son poignet a arrêté de saigner. Je me dis qu'il est bête de se tailler les veines juste pour ça, il pouvait juste s'entailler le doigt. Je remarque alors d'autres traces blanches, des cicatrices, lui sillonner le poignet, comme des mutilations. Je laisse mes yeux dériver sur le sol. La moquette est bleue mais je distingue des tâches plus foncées, un peu partout. Je crois que j'ai compris. Il mélange son sang avec tous ceux qui arrivent et pour cela il s'entaille le poignet.

— Désolée pour ton épaule mais c'est pour leur bien que je fais ça.

_ Espèce de monstre ! Vous nous emprisonnez et vous nous torturez ! Et après vous dîtes que c'est pour notre bien !

Je me jette sur lui et le plaque au sol. Non ! Pourquoi ais-je fait ça ! Mon épaule... Que je suis bête. Malgré mon épaule de plus en plus mal en point que je viens d'utiliser contre cet homme, j'attrape son couteau et je lui mets sous la gorge.

— Pourquoi faîtes-vous ça à de pauvres gens ?

_ Je n'ai pas eu le choix. Il m'a obligé.

_ Qui ?

_ Le Roi.

_ Il n'y a pas de rois, ça n'existe plus ! On est en démocratie, nous avons un président ! Bon, puisque vous ne voulez pas répondre sérieusement à cette question, je vais vous en poser d'autres. Qu'avez vous fait de ma mère et de David et de sa famille ? Où sont-ils ?

_ Avant de répondre, je voudrais que tu cesses de me vouvoyer c'est ridicule. La belle-mère du garçon est rentrée chez elle, nous lui avons enlevé ses souvenirs. Essindra et le père de David sont en attente de passer le Portail que tu viens d'ouvrir. David a eu l'opération C et je devais le voir après toi. Ah, les voilà enfin !

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