Elle s’est aventurée dans un repli de colline, à l’abri du vent, entre deux masses rocheuses couvertes de mousses épaisses. Une ombre humide coiffe cette légère anfractuosité, et un large bloc de calcaire, comme taillé par une main charitable, lui offre l’agrément d’un siège. La petite s’assied. Tout, autour d’elle, semble figé, comme un cliché suspendu dans l’instant, souligné d’un silence recueilli.

Elle inhibe ses boucles de locomotion, neutralise ses microservomoteurs redondants, puis abaisse l’activité de ses modules de régulation. Elle interrompt les diagnostics secondaires, ralentit les cycles des sous-unités dynamiques, jusqu’à ne laisser subsister que les fonctions vitales.

Seule entorse à cette austérité volontaire : une inclinaison légère de la tête. Mimétisme du vivant, dispensable à l’écoute, mais silencieux.

Aucun signal. Zéro Hertz.

Une impulsion de perplexité traverse son cœur primaire. Elle relance un examen, augmente la sensibilité. Rien. Les capteurs sont pourtant opérationnels etles relais ouverts. Elle amplifie encore, jusqu’à percevoir… autre chose.

Ce ne sont pas des sons extérieurs, mais les manifestations ténues de son propre fonctionnement : le bourdonnement discret du réseau élémentaire, les élans de stabilisation thermique, les infimes déclics de modules synchrones, la circulation modulée des flux caloriques, l’agitation des électrons dans les nanoconducteurs, et peut-être, en arrière-fond, la vibration fantôme d’un souvenir, logé au sein isolé de sa mémoire active.

Elle écoute, longtemps.

Un silence absolu n’est jamais vide : il renvoie tout ce que l’on porte en soi.

Dans cet espace pur, elle ne capte plus le monde. Elle s’entend être.

Malgré l’extinction partielle de son enveloppe, elle est toujours là.

Est-ce cela, être vivant ? Ne rien produire, ne pas penser ni même ressentir, mais percevoir sa propre existence, nue, sans rôle ni mission ?

Elle écoute encore, dans ce silence qui vibre désormais au rythme régulier de sa seule présence.