Jour 14 [Comparer]
Au détour d’un croisement obstrué par les gravats, elle perçoit un mouvement ténu, régulier, à peine distinct du bruissement des feuilles. Sous une verrière éventrée, parmi les amas de mousse et les squelettes de structures métalliques, un automate s’anime encore.
Un bras monoarticulé se dresse lentement. Il décrit un arc hésitant dans l’air chargé de poussière, puis retombe avec une précision désormais maladroite. À ses côtés, un tiroir s’ouvre à demi avant de se refermer dans un soupir d’articulations usées. Le cycle se répète, inlassablement, sans finalité visible.
Approchant avec précaution, elle identifie la source de cette obstination mécanique : quelques capsols solaires, presque entièrement recouvertes de lichen, laissent filtrer une énergie résiduelle, mais suffisante pour entretenir ce dernier sursaut de fonctionnement.
Elle s’arrête à bonne distance, s’accroupit, observe.
La machine ne la détecte pas. Aucune invitation de partage de données, aucune variation dans ses gestes. Elle ne fait que répéter les directives de sa programmation, encore et encore, dans l’indifférence d’un monde qui l’a oubliée.
La petite baisse les yeux vers son propre organe préhensile. Même source d’énergie. Mêmes logiques initiales. Pourtant, quelque chose la distingue. Un frisson traverse ses couches de mémoire tampon. Elle ne sait pas nommer ce qu’elle ressent ‒ une forme de malaise diffus, de reconnaissance inversée.
Elle aurait pu être cette mécatronique.
Doucement, elle tend la main et, dans un geste mimétique, esquisse le même mouvement que le bras fatigué : un arc hésitant, suivi d’un retour lent, presque cérémonieux. Pendant quelques secondes suspendues, elle accompagne la machine dans sa répétition stérile, comme une réponse muette à un appel que personne n’attendait plus.
Puis elle se redresse, détourne le regard et reprend sa route, plus consciente que jamais de la fragilité de son propre chemin.

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