Jour 15 [S'orienter]
Le jour décline et la cité, mosaïque silencieuse de béton et de végétation, s’embrase sous les dernières lueurs. Le Soleil rasant incendie les verrières éventrées, strie les façades ébréchées de traînées d’or et éclabousse les ruines d’un éclat ambré. L’air lui-même semble vibrer de poussière et d’une clarté qui efface les lignes du monde.
La petite a abandonné son bâton ‒ désormais inutile ‒ et déambule entre les rues fracturées, ses souliers crissant sur le macadam craquelé, à l'écoute de ce que l’ombre et la lumière lui murmurent. Son regard se laisse porter par le flux hésitant du crépuscule.
Un éclat éphémère capte son attention : une grande plaque métallique, penchée contre un muret envahi de lierre.
Elle s'approche, écarte lentement les tiges entortillées, ses doigts glissant avec soin parmi les grappes nerveuses, dégageant peu à peu la surface.
Sous la végétation se révèle un plan, gravé à même le matériau, protégé par une plaque de verre écaillée, mais encore lisible. Des lignes s’y enchevêtrent : rues, avenues, parcs, voies de tramway, entrées de métro.
Au centre, un rectangle plus large et bordé de rouille attire son attention.
Elle se penche et lit à voix basse :
« Centre commercial. »
Elle répète le mot pour elle-même, attentive au poids qu'il semble porter.
Centre.
Un lieu où convergeait peut-être ce que les humains avaient de plus précieux : leur besoin de se rencontrer, de se reconnaître et d’échanger.
Elle reste là un moment, immobile sous le ciel flamboyant, à imaginer ce qu’un « centre commercial » pourrait bien abriter. Puis, elle repère une pastille ronde dans laquelle se lit encore : VOUS ÊTES ICI.
Elle regarde le plan, puis autour d’elle.
D’évidence, elle est la seule à être encore ici.

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