III

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Une hache se planta dans le tronc d’un arbre mort.

— C’est une bonne arme, je confirme ! affirma Angelo, un guerrier du pays d’Idrézia.

La femme qui se tenait à ses côtés, vêtue d’une armure complète et faite d’un acier cuivré, observait la hache d’un regard brillant.

— En même temps, elle sort de la Forge de Librès ! Et j’ai hâte de recevoir la mienne.

Son coéquipier aux cheveux de jais la retira sans difficulté du tronc et la cala contre son épaule en la regardant :

— Le couple de Feu devrait déjà être rentré et nous on est encore là, j’ai les boules. Alors, dès que tu as ton équipement, on décolle, compris Amélia ? Et puis, j’aime pas cet endroit, ça sent les emmerdes à plein nez !

Elle sourit et répondit :

— C’est vous le chef, monseigneur !

Elle se retourna, sa longue chevelure dorée qui se balançait sur sa cape rouge bordeaux ne trompait pas. Amélia était une maîtresse des Arts guerriers et était accompagnée de son coéquipier Angelo qui, en réalité, était sous ses ordres. Mais Amélia le laissait faire son commandant quand il n’y avait personne d’important, histoire de le former, mais aussi pour qu’il la laisse tranquille.

C’était un deal qu’ils avaient sciemment conclu, histoire que leur binôme se déroule au mieux. Amélia s’avança vers le rebord d’un chemin et plus bas, à quelque mille mètres de là, se situait le district voisin de Luzina qui portait le nom de l’immortel Lenny, l’un de ceux qui avaient sacrifié sa vie avec la grande prêtresse Daria.

— Visiblement le forgeron aura du retard, sinon on serait déjà livré, espérons que demain matin on le soit, annonça Amélia en observant le ciel perdre de son intensité.

Angelo s’assit sur un rocher :

— Ouais, bah moi, en attendant je vais dormir, on verra ça demain matin, bonne nuit ! Amélia sourit puis croisa les bras en observant le panorama et réfléchit :

Pourquoi, le Maître de la Forge a-t-il du retard ? Ce n’est pas dans ses habitudes. Non, ce n’est pas normal. Tout cela ne me dit rien qui vaille.

Amélia resta plantée là, bras croisés, presque sans bouger des heures durant.

Le matin du départ, Anaëlle attendait le Maître se préparer. Elle ne savait pas comment se positionner dans cette tenue qu’il lui avait prêtée. Une tenue de combat légère faite de petites épaulettes renforcées d’un buste, des protections en acier et une demi-cape dans le dos. Une combinaison bien moins féminine, mais qui restait, au demeurant, agréable à regarder. Le Maître arriva avec les armes accrochées sur le dos et qu’il avait protégées avec du cuir.

— Allez, direction Lenny ! On a du retard, je n’ai pas très envie que mon client devienne rouge de colère.

Lorsqu’ils furent à mi-chemin de la descente de la forge, ils bifurquèrent à l’intérieur d’un passage étroit et sombre. Et lorsque tous deux arrivèrent sur un autre, un halo de lumière les éclaira. Anaëlle, derrière le Maître, avait mis sa main devant les yeux en disant :

— Maître Ross ? Lenny, ce n’est pas par-là !

Ce dernier éclata de rire :

— Non, en effet, prends cela comme un raccourci !

Anaëlle sourit.

— Je ne le connaissait pas celui-là !

— Anaëlle ?! dit-il en se retournant.

Elle stoppa toujours la main devant les yeux.

— Merci d’être avec moi ! Ton soutien m’est précieux. Allez, maintenant, il faut avancer !

Cette parole réchauffa son cœur. Ross savait ce qu’il faisait mieux que personne. Puis il se mit à repenser au journal de Rakièl en se disant qu’il avait bien fait de le prendre. La lumière disparut et un autre chemin plus large où plus bas, c’était vertigineux.

— Fais attention où tu mets les pieds Anaëlle, la moindre chute peutêtre fatale !

Elle pressa le pas et se rapprocha de lui. Entendant cela, ce dernier se mit à sourire et confiant, il pensa :

C’est bien, écoute-moi comme ça et tout se passera pour le mieux, tu verras.

Le paysage n’était fait que de roche. Ils empruntaient des routes toutes plus dangereuses les unes que les autres, les gouffres défilaient par dizaines. Fort heureusement, plusieurs sphères de lumière avaient été positionnées en des points stratégiques pour éviter le moindre accident et leur permettre ainsi de bien progresser. Le temps passa si vite qu’ils arrivèrent déjà au moment de la pause déjeuner.

L’endroit que choisit Ross était calme et surplombait le district de Lenny. Anaëlle se perdit dans cette immensité, l’air triste et elle soupira. Ce détail ne manqua pas à Ross. Tous deux étaient en ce moment le miroir de l’autre. Et Anaëlle lui rappelait de plus en plus Daria. Enfin, pas tout à fait, disons que l’amour qu’elle avait pour Rakièl, lui faisait surtout penser au leur. Quand l’un partait, l’autre se remplissait d’une souffrance sans pareille. Anaëlle souffrait et cela se ressentait.

Et dès qu’elle se retourna vers Ross en train de préparer le repas, elle se mit à sourire. Un sourire éclatant, mais la souffrance se lisait dans son regard. Le regard de ceux qui ont une âme en peine, mais dont l’espoir était si grand qu’il illusionnait le corps d’une joie éphémère. Le bonheur de ceux qui cherchent leur Flamme. Ross connaissait très bien ce ressentiment, il l’avait depuis le sacrifice de Daria. Mais vivre l’éternité sans celle qu’on aime le plus en ce monde est comme vivre sans âme. Et l’éternité, Ross en avait assez.

Mais attendre une éternité pour rien, hors de question ! Ross devait tout faire pour rapprocher leur destinée, car c’était son destin ! Il se rappela alors la commande qu’avait faite Roderez Delattre par le passé. Ce jour béni où Rakièl et Anaëlle avaient échangé leur premier regard. Déjà, en cette période, Ross voulait mourir, mais les voyant ainsi, cette idée noire s’arrêta et il décida de poursuivre pour voir si leur Destin était lié.

Maintenant, il le savait plus que quiconque. La chaleur que dégageait Anaëlle ne trompait pas. Cependant, il lui faudrat être forte car, devenir la Flamme qu’elle allait deviendir lui demanderait, un engagement unique, mais aussi être un engagement des plus douloureux pour elle. Et en l’état, Anaëlle n’était pas prête, il fallait malheureusement qu’elle Forge cet amour dans la souffrance. Ross en était plus que conscient et lorsqu’il lui donna un morceau de pain séché et, quand qu’il vit qu’elle mangeait de bon cœur, mais qu’au fond d’elle, rien n’avait de goût, Ross détourna son regard du sien car il en fut comme ébloui. Il l’aurait presque vu le chatoiement de cette Flamme de la légende, la Flamme Destinée. L’instant d’après, plus rien. Ross avait comme soudainement trouvé la raison de sa propre souffrance…

Soudain, une guilde composée de trois guerriers à en juger par la couleur de leur costume, apparut : un mage et deux guerriers.

Le mage, vêtu d’une tunique empire approcha. Il saisit sa dague d’une main et de l’autre, il coupa la ficelle d’un parchemin qu’il déroula :

— Par ordre du Préfet, Ramirez Diaz, Anaëlle Delattre êtes en état d’arrestation ! Veuillez donc nous suivre et sans intervenir ! précisa-t-il en jetant un sombre regard à Ross.

Ce dernier, assis, ne bougea pas et termina son morceau de viande.

— Anaëlle, passe derrière moi !

Le corps de Ross commença à fumer, s’enveloppa de flammes rouges, et il se leva. Le voleur recula de quelques pas. Ross saisit la hache et le bouclier :

— Moi, Ross Librès maître de la Forge de Luzina, vous somme de partir ! Dans le cas contraire…

— Dans le cas contraire, meurt Forgeron ! s’écria le chef de la guilde, allez, tuez-le !

Les deux guerriers avancèrent en tenant leur épée. Ross, hache et bouclier en mains, fléchit ses genoux pour avoir une meilleure assise.

— Ça tombe bien, ça fait des siècles que je ne me suis pas battu ! Anaëlle, reste bien derrière moi.

Anaëlle avait peur et recula. Loin de savoir que derrière quelque chose de noir approchait.

Le premier à lancer les hostilités fut le plus adroit et le plus fin des deux guerriers. Mais Ross, habile, protégea l’ouverture sur sa jambe droite qu’il avait laissé, par un coup de hache. Et en profita pour le cogner d’un coup de bouclier. À son contact, ce dernier s’embrasa. Hurlant de douleur, le guerrier se roula au sol pour éteindre le feu, mais malgré lui, il continua à flamber. Son coéquipier s’approcha et l’acheva de la pointe de son épée enfoncée droit dans la nuque, puis il recula conscient de la supériorité du forgeron.

— Bien, bien ! Visiblement, on t’a sous-estimé Forgeron ! Que dis-tu de cela, lança-t-il en levant sa main.

L’ombre faite d’une substance visqueuse s’empara de la jambe d’Anaëlle : — Maître !

Il tourna aussitôt la tête et vit que cette chose noirâtre l’avait prise en étreinte. Cette même substance la souleva à quelques mètres du sol quand Ross approcha. Anaëlle tentait de se mouvoir, mais rien à faire. Ross s’embrasa de plus belle et cette fois-ci, la couleur de ses flammes .

changea pour un bleu roi. Ils n’avaient pas fait que le menacer, ils avaient également touché son cœur et ils allaient le lui payer :

— Anaëlle, ferme les yeux, maintenant !

Mieux que quiconque elle s’avait ce qu’il allait se passer. Et ce que s’apprêtait à faire le Maître. Anaëlle l’avait lu en lui une pensée mortelle, et se mit à larmoyer :

— Maître... ne faites, pas ça… je vous en supplie !

Puis une vague de chaleur envahit son cœur et celui-ci se transforma en un foyer ardent. Anaëlle prenait feu, un feu qui flambait comme mille et des ailes jaillirent de son dos. En ce moment, c’était Ross qui avait fermé les yeux, tant la lumière était forte. Et sans le savoir, Anaëlle s’approcha des mages aveuglés par sa transformation et tous furent immolés par sa colère. L’instant d’après, la fournaise s’arrêta et Anaëlle retomba au sol.

Ross se précipita sur elle, impressionné et inquiet de son état. Il regarda les corps calcinés et eut soudain très peur. Il le savait, les dés du destin avaient été lancés, et ce bien trop tôt. Il la prit dans ses bras et partit se cacher, Ross s’en voulait…

Dans son désarroi, Ross était à des lieux de savoir que la population de Lenny avait été témoin d’un halo incandescent. Et cette vague de puissance avait été ressentie à des dizaines de kilomètres de là, réamorçant ainsi de vieux souvenirs aux immortels restant dans les entrailles de Kuahra. Dont Ramirez, Luzi et bien d’autres, mais, surtout le plus vieux couple restant qui vivait en ce moment dans les hauteurs de Lenny.

L’une tirant à l’arc dans son jardin tandis que l’autre méditait dans l’obscurité de son sous-sol, au moment où la vague lumineuse avait envahi le ciel de Lenny. Cela fit louper la cible de Raya et cela n’était pas arrivé depuis plusieurs décennies :

Toi aussi tu l’asressenti, elle est revenue !

J’espère que cette fois-ci, elle ne nous nuira pas très cher !

Non, il faut l’aider et cette fois-ci, je lui donnerai l’espoir.

Fais ce qu’il faut, amour !

Les yeux fluorescents indigo de Liban s’ouvrirent et aussitôt, il se téléporta aux côtés de Raya. Ce dernier, avait les cheveux noués d’une natte noire, le torse nu et fin, posa la main sur l’épaule de sa femme :

— Je vais l’aider, compte sur moi !

Raya, visiblement sceptique, sortit une autre flèche, la plaça sur la corde de son arc et, sans regarder la cible située à plus de quatre cents mètres plus bas, lâcha la corde. Coiffée d’un chignon, Raya avait la moitié du visage balafrée, elle plongea son regard à la couleur du bronze dans le sien, elle affirma :

— J’y compte bien !

Dès qu’il partit bien plus bas, la flèche se planta en plein cœur de la cible. La précédente s’était plantée trois bandes plus haut.

Pendant ce temps, Amélia et Angelo sortaient d’un tunnel et n’avaient rien vu et rien ressenti. Tous deux se trouvaient sur le chemin surplombant Lenny, mais du côté opposé où s’était déroulé le combat de nos deux héros. Ainsi, ils commencèrent à entendre. Et cette nuit allait s’annoncer glaciale, surtout pour Ross qui s’était reclus dans une cavité, à la chaleur d’un feu alimenté par sa magie. À ses côtés était allongée Anaëlle, visiblement prise d’une fièvre et cela ne laissait présager rien de bon.

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