IV

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Toujours à la même place, Amélia, assise en tailleur, paupières closes, faisait augmenter son taux vibratoire comme le lui avait appris, son ancienne Maîtresse, Raya. Amélia avait, en ce moment, une pensée pour elle. Même si au fond d’elle Amélia voulait lui rendre visite, mais ne le pouvait. Car, lors d’une escarmouche passée, elle avait désobéi à un ordre crucial et cela avait couté la beauté de Raya. Un monstre des profondeurs l’avait griffée si fort qu’elle avait eu mal à se régénérer. Et dans les veines de ce même monstre coulait du sang d’immortel. Le type de créature à vous glacer d’effroi rien que d’en ressentir la vile présence.

Ainsi, en cet instant, Amélia ressentait les âmes de chacun des habitants de Lenny. Elle se représentait chacune d’entre elles, sous une forme d’orbe pâle et lumineuse. Mais elle le cherchait, lui, Ross Librès. Son intuition féminine avait vu juste, le Maître de la Forge était en détresse, mais une âme comme la sienne n’était pas simple à trouver. Disons que les âmes des immortels brillent différemment de celles des humains.

Il lui fallut donc plus de trois heures de concentration pour le repérer et, l’instant qui suivit, Amélia ouvrit les yeux. Elle s’aperçut que le ciel étoilé se teintait de nuances plus claires. Et quand elle se releva, elle vacilla. Elle en avait trop fait, mais l’avait trouvé. Et apparemment, le Maître n’était pas seul, non ! Une âme se tenait à ses côtés et son éclat semblait très affaibli.

Elle se dirigea vers Angelo qui dormait et sans attendre, lui mit un coup de botte sur les siennes. Ce dernier, sur le qui-vive, se releva, arme en main :

— Tout doux, mon gros ! Ce n’est que moi, Amélia.

Le temps qu’il reprenne ses esprits, il rangea son arme et se leva.

— Bon, c’est quoi le problème ! Voilà bien des nuits que tu ne m’as pas réveillé ainsi. Angelo se mit soudain à bâiller.

— Suis-moi, on va aider une personne en détresse, c’est urgent !

Il s’étira.

— Depuis quand faisons-nous les bons samaritains !

— Angelo, c’est un ordre ! Et, j’espère que tu as les ingrédients de premiers secours ! Au ton qu’avait pris sa chef, il comprit et s’arrêta aussitôt de râler.

— Oui, et j’ai même mieux.

— Très bien, alors on y va !

Angelo se contenta d’un simple hochement de tête et la suivit. Il ne savait pas ce qu’il se passait, il avait flairé les emmerdes et visiblement, cela ne lui plaisait guère. Hache contre l’épaule, il la suivait en se contentant juste de zyeuter plus bas le district de Lenny qui commençait à prendre ses premières couleurs.

Bien plus haut encore, dans l’obscurité d’un rocher, était positionné Liban, coude calé sur son genou plié, observait l’ancienne apprentie de sa femme. Il sourit, ferma ses paupières et pensa :

Merci pour ton aide, Amélia.

Ce même matin, Luzi était convoqué avec ses hommes dans le bureau du Préfet :

— Luzi… oublie Rakièl, et focalise-toi sur Destinée. Il nous la faut à n’importe quel prix ! Alors, fais le nécessaire ! ordonna Ramirez Diaz en serrant le poing.

Dans le regard de ce Luzi s’installa une lueur méconnaissable et il rejoignit ses hommes vêtus de manteaux sombres à capuche, a priori des mages noirs. En partant, Luzi enfila sa large capuche et affirma :

— Destinée nous reviendra, je t’en fais le serment !

Et tous disparurent dans une magie aux couleurs électriques et ils réapparurent au centre d’une plateforme positionnée à l’entrée des portes du district de Lenny.

Le Préfet se replaça derrière son bureau et continua de rédiger le courrier qu’il avait commencé avant-hier. Soit quand il avait perdu la trace de son fils Rakièl. Ramirez plongea soudain son regard dans la flamme de la bougieet repensa à sa femme. Cette Flamme dont il ne pouvait prononcer le prénom, à laquelle il pensait si fort qu’il appuya sur la pointe de sa plume qui se brisa, laissant ainsi une tâche d’encre sur sa feuille. Feuille qu’il observa, et quand il vit la forme qu’avait prise la tâche, Ramirez en fut sidéré. Un arrondi à l’image d’un cœur bavait sur sa feuille qu’il s’empressa de déchirer. Le Préfet se leva et, sous la colère, ses yeux se mirent à luire d’un rouge braisé.

Aux portes du district de Lenny, Luzi sortit le premier de la plateforme suivi de près par cinq mages noirs.

— Maître Luzi, nous avons repéré le Forgeron et pensons qu’il se trouve avec Destinée, déclara t-il. De plus, nous avons aussi capté quatre autres corps sans vie.

Luzi sourit dans l’ombre de sa capuche et savait maintenant.

— En revanche, trois personnes aux âmes puissantes se rapprochent de la position du Forgeron, sûrement pour lui venir en aide, dont l’une est des vôtres.

Luzi sourit encore plus laissant apparaître ses dents, il savait de qui il s’agissait, cela ne faisait aucun doute là-dessus, et il pensa :

Enfin, je vais pouvoir prendre ma revanche ! Et, cette fois-ci, je ne perdrai pas. — Peut-on se téléporter là-bas ?!

— C’était justement le problème, Maître Luzi. On dirait qu’une force surpuissante nous empêche ce déplacement.

Luzi éclata de rire :

— Toi… Je... Aaah ! lança-t-il en levant le poing et ajouta, Bon, cela me laissera assez de temps pour élaborer une stratégie !

Le groupe se dirigea sur le sentier qui allait le mener droit vers la caverne où, en ce moment, Ross, très inquiet sur l’état de santé d’Anaëlle, priait ses ancêtres pour qu’ils viennent lui apporter une grâce divine.

22

Et Luzi avait de quoi se mettre en rage. À l’opposé, sur les hauteurs de ce district, Raya puisait dans sa magie. Une magie rarissime transmise par les fondateurs de la Cité du continent Erizhaé, celle qui reposait comme une tombe. En position de méditation, elle écarta très lentement les bras. Ensuite, Raya joignit la paume de ses mains. Et, l’instant d’après, elle pouvait tout voir. Tout ce qui se dérouler comme si elle y assistait physiquement. En une action, elle faisait dérouler les images pour se focaliser sur l’aura de Luzi et des mages qui venaient d’apparaître du portail. Quand elle vit la couleur de leur tenue, elle sut qu’il y avait urgence et fut prise d’un nimbe diaphane aux reflets argentés. Aussitôt, une sphère faite d’une matière invisible se mit à croître autour de Luzi et ses hommes.

Raya se focalisa dessus le temps que Liban se rapproche suffisamment et qu’il puisse aider Destinée. Quand tout à coup, elle capta l’aura de Destinée s’affaiblir. D’une autre action, elle se trouva dans la cavité où elle y vit Ross tenir la main d’Anaëlle. Cette fois-ci, elle pensa :

Mon ami… Toujours et encore fourré dans de sales pétrins.

En ce moment, Raya aurait tant souhaité l’épauler, car Ross semblait si triste. D’une dernière action, elle s’aperçut que Liban suivait son ex-disciple Amélia accompagnée d’un inconnu. Elle serra des dents. Sa colère refit soudain surface et commença à créer des failles dans la sphère antidéplacement.

— Maître Luzi, nous pouvons enfin nous déplacer, prenez ma main, vite !

Parvenus au-dessus de la caverne, Amélia et Angelo virent sous leurs yeux apparaître Luzi et les mages noirs. D’un mouvement du bras, elle stoppa Angelo, mais quand elle vit qu’ils convergeaient trop rapidement, elle retira son bras. Angelo sauta, leur barrant ainsi l’entrée de la cavité. Ross n’en revenait pas, un guerrier du district ennemi était arrivé pour l’aider. Il se saisit aussitôt du bouclier et de la hache à double tranchant et sortit en feu.

— Comment on se retrouve, cette fois-ci, grand Frère ?! s’écria Luzi en écartant les bras, et ne me dis pas que tu fais alliance avec l’ennemi !

Le corps de Ross s’embrasa de plus belle, des flammes dorées chatoyaient sur son corps. — Laissez-moi, Luzi !

Du coin de l’œil, Rossvit une ombre arriver. C’était Amélia.

— Je vois que vous avez forgé mes articles, Maître.

— Oui, et merci de me les avoir commandés.

Luzi se mit à applaudir et d’un ton sarcastique :

— Ne me dites pas que c’était destiné !

Puis il effectua un signe de main.

Et deux des cinq mages posèrent la leur au sol. L’instant qui suivit s’extirpèrent du sol quatre soldats obscurs. Tous tenant dans leurs mains glaive et bouclier. Mais cette invocation comportait des risques, les deux mages devaient rester dans la même position. Le combat ne faisait que commencer et Liban, haut perché, observait, attentif, ce sinistre pouvoir puis, il regarda la couleur des flammes de son ami en plissant des yeux.

Anaëlle entendit les nombreuses voix et sortit de son coma. Elle se tourna avec difficulté et quand elle aperçut le Maître, son cœur se mit de nouveau à palpiter. Elle posa sa main sur sa poitrine douloureuse, Anaëlle recommençait à sombrer.

Element que capta Raya et un frisson courut le long de son échine :

C’est maintenant ou jamais, Amour !

Liban devait la lui donner et il sauta à son tour devant l’entrée.

— Tiens, donc ! Mon vieil ami, Liban est venu se joindre à la partie, répliqua Luzi. — Ross, je crois que c’est toi qu’elle attend. Vas-y, je m’occupe du reste.

Il se retourna et cette fois-ci, le corps d’Anaëlle arborait des flammes noirâtres. Il se précipita sur elle, mais un mage s’interposa. Dans un dernier élan de conscience, Anaëlle tendit le bras et le mage s’enflamma. Ross la prit dans ses bras et était en train de lutter pour qu’elle ne détruise pas ce monde.

— Allez, Anaëlle, sois forte ! Tu le sais mieux que quiconque que tu dois forger ton amour dans la souffrance.

Voyant cela, Luzi prit peur et recula. Il était en train de comprendre, puis demanda le repli à ses hommes et tous s’effacèrent.

Pour une fois dans sa vie, Luzi avait été plus raisonnable que son grand Frère et cela, Ross l’avait ressenti.

— Anaëlle, tu es comme ma fille, sache que je ne te laisserai jamais sombrer !

Il tentait de faire croître sa flamme mais c'était trop épuisé. Voyant cela, Angelo s’avança, sortit la besace de sa ceinture et déversa la lotion régénératrice sur Ross. L’effet amorça ses forces et le Maître de la Forge s’embrasa des Flammes de l’Espoir.

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