V
Un tintement retentit. Rakièl croisait le fer avec son grand frère dans un champ, rempli de hautes herbes clairsemées de fleurs balayées par un vent tiède, en plein centre d’Idrézia. Les cheveux gris passèrent devant le visage de Jamal. Rakièl profita de cet instant pour revenir à la charge mais son aîné répliqua d’une esquive au corps à corps et Rakièl se retrouva bloqué. En effet, Jamal s’était retrouvé derrière et lui tenait cou avec son bras. Il serra sa prise, et ce de plus en plus fort. Jamal sourit :
— Renonce, petit Frère ! répliqua-t-il en l’étranglant de plus belle.
— Ja-jamais ! répondit-il sur un ton étouffé.
Jamal resserra son étreinte. Le visage de Rakièl commençait à cliver du rouge au bleu, ses cheveux, de jais plus long lui collaient sur le front. L’instant d’après, il ferma les yeux en relâchant son épée.
— Ça suffit mon cœur ! Ne vois-tu pas qu’il est têtu comme un mulet.
Jamal relâcha sa prise et Rakièl tomba sur les genoux s’allongea sur le ventre, à bout de souffle. Le temps qu’il se reprenne, Jamal observa sa femme, planta son épée dans la terre et s’approcha d’elle le regard luisant avec un large sourire. Jamal avança en replaçant derrière l’oreille la mèche qui l’empêchait de la voir. De son côté Raliha frissonnait à chaque fois qu’elle le voyait se rapprocher ainsi. Ouverte. Jamal saisit la main de sa femme, posa un genou à terre et la lui baisa.
— Malgré le temps qui passe, ta peau est toujours aussi douce.
Raliha rougit, un autre courant d’air, cette fois-ci plus frais, s’interposa entre eux les faisant tous deux frissonner. D’un mouvement brusque, Raliha le poussa. Ce dernier tomba sur le dos et elle suivit sa chute. Le couple se retrouva dans les fleurs enlacé l’un dans l’autre. Ils souriaient et profitait chacun de ce moment comme s’il s’agissait du dernier. Passionnellement amoureux, voilà comment ils s’aimaient. Le couple de Feu célèbre pour leur agressivité, mais aussi pour leur amour fusionnel. Rakièl se réveilla en toussant et un long soupir sortit de la bouche de son aîné :
— Décidément, nous n’aurons jamais assez de temps.
Raliha posa une main sur sa joue et lui fit un doux baiser.
— Allez, ce n’est pas personne, il est ton frère, forme le au mieux.
— Mon petit-frère, corrigea-t-il en lui en lui volant un baiser.
Tous deux se relevèrent et d’une voix plus ferme, il déclara :
— Toujours savoir renoncer, petit frère ! On conclura l’entrainement d’aujourd’hui par cette leçon.
Rakièl se mit sur les coudes sa vision était flou. Raliha s’approcha de lui et lui tendit la main qu’il saisit. Le cadet se tenait la gorge.
— Jamal à raison, savoir renoncer n’est pas perdre, bien contraire.
Puis le couple de feu partit en direction du Fort, laissant seul Rakièl qui les regardait s’éloigner et dans ses pensées, il repensa à son journal d’un air interrogatif.
25
Dans le Fort d’Idrézia, deux hommes grands et fins, vêtus de long manteau couleur marine, s’approchèrent en retirant leur capuche, d’un autre plus petit qui descendait les marches du quartier des officiers. Ce dernier portait une houppelande bleu roi où des cordes dorées retombaient de ses épaulettes. Les cheveux gris et court, une balafre sur l’œil droit laissait entrevoir un œil opaque et de l’autre, un œil de couleur pourpre.
Alves Durand le haut consul d’Idrézia observait ces deux émissaires alliés, d’un regard inquisiteur. Alves s’arrêta sur la dernière marche, pour être de la même hauteur que ces deux personnages. D’un mouvement du bras, l’un des émissaires sortit de l’intérieur de sa manche une enveloppe et la tendit au Consul. Alves la saisit et détacha le sceau en cire au blason d’Annihila. Et pendant qu’il lisait le courrier, les deux émissaires s’observèrent interrogés. Eux même ne savaient pas de quoi il s’agissait et attendaient que le haut consul prononce son verdict.
Et l’entente fut longue car, cette lettre l’était aussi. Et lorsqu’il eut fini de lire, Alves Durand grogna.
— Vous deux, attendez-moi ici !
Le haut consul remontant dans les quartiers des officiers, sous les nombreux regards des soldats et autres paysans qui avaient vu cette scène ainsi que la colère du Consul. Et des messes basses se rependirent dans la cour du Fort d’Idrézia. Quand de l’immense porte d’entrée faite en pierres blanches arriva, le couple de Feu. Puis Jamal, de sa position vit ces émissaires à la couleur d’Annihila, il ressentit un mauvais présage. Tous deux poursuivirent dans leur direction. À leur niveau sans gène, il les interpela :
— Que faites-vous ici même, émissaires alliés ?!
L’un des deux resta muet et l’autre répondit :
— Nous sommes juste venus apporter un courrier de notre Préfet à votre haut Consul. Jamal s’impatientait :
— Depuis quand Annihila se soucie d’Idrézia !
La colère commençait à monter, et la poigne de Raliha sur son bras la stoppa. — Allons, calme-toi. On va demander directement à tu sais qui, veux-tu ?
Jamal l’avait mauvaise, mais il la suivit, en jetant un sombre regard aux deux émissaires qui enfilèrent leur capuche au même instant.
Dans l’immense salle des officiers des dizaines de vitraux longilignes à la forme gotique laissaient apparaitre la lumière artificielle d’Idrézia. Au fond de cette pièce dominait un fauteuil. Sur celui-ci était assis un homme à la tenue faite en partie d’argent. Ce guerrier avait le coude calé contre l’accoudoir et son poing soutenait son visage.
Visiblement las, Lars attendait. De chaque de coté de murs des soldats et de mages droits et immobiles attendaient eux aussi patiemment. Et quand les hautes portes s’ouvrirent pour laisser place à Alves Durand qui marchait d’un pas rapide. Lars retira le poing de sa joue et se redressa. D’un seul regard, Lars lut dans son esprit tout le contenu de la lettre qu’il venait de lire. Lars eut soudain un élan de vie. Cela le fit se lever de son trône et descendit les quelques marches drapées d’une moquette du même bleu que la houppelande du consul. Derrière son dos deux ailes d’argent étaient repliées. Arrivé à proximité de Lars, le haut consul posa un genou contre terre en inclinant son visage vers le bas.
26
Lars jubilait toujours quand il voyait l’un de ses officiers s’assujettir face à sa suprématie. Le demi-immortel Lars possédait une force magique plus concentrée que dans le corps de ses paires. Devenu un être des plus pacifistes, il était doté d’une patience sans pareil.
— Tu peux te redresser, Alves ! ordonna-t-il en prolongea la dernière lettre de son prénom.
Même si le haut consul détestait cela, il n’avait d’autre choix que de se taire. Et pour cause, autrefois, Lars l’avait sorti de la misère et l’avait pris sous son aile. Alves était devenu orphelin lors d’un conflit passé entre Annihila et Idrézia. De fait, Alves devait plus que sa vie à l’homme qui l’avait fait élever à ce rang.
— Qu’elles sont vos directives, Maître ?
Lars ne répondit pas et se replaça dans son fauteuil. Un long silence s’installa. Silence qui fut coupé par l’arrivé du couple de Feu qui aussitôt rentré, s’assujettirent. Ils attendaient l’ordre de se relever. Mais cet ordre ne venait pas et pour cause, Lars lisait dans le cœur de Jamal une intense colère, un détail qui le fit sourire. Et il laissa encore un instant, l’histoire de voir s’il avait compris la leçon. Mais visiblement ce ne fut pas le cas et Lars qui annonça :
— Raliha, tu peux disposer. Mais, toi Jamal, mon apprenti et plus fidèle guerrier ne reviens seulement que lorsque tu auras fait taire ta colère. Car, je ne peux accepter en ces lieux cette vile émotion qui émane de ton cœur.
Jamal se redressa et sortit en reculant. Lui même savait qu’en cet instant, il n’était que colère. Dans le long couloir, il tenta de se détendre en méditant un instant. Mieux que personne, il savait que Lars ne lui voulait que son bien. D’avoir eu cette pensée, il commença tout juste à se calmer et repensa au doux baiser que lui avait fait son aimée. Quand il revint, Lars ferma ses paupières et lui proposa de se rapprocher. Lars se leva, descendit d’une marche et avant de prononcer son discours, il laissa passer un encore un instant :
— Mes fidèles, aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres, non ! Aujourd’hui, nous sommes proches d’un terrible avènement. Depuis le retour de la Flamme Destinée, nos alliés et ennemis échangent secrètement des informations nous concernant. Et mon ami le Préfet d’Annihila, m’a partagé par le biais de mon consul que nous devrions nous tenir prêt à des ripostes ennemies et peut-être même alliés. Car, certains de nos ennemis auraient soi-disant vu nos hommes venir en aide à Destinée et prétendent même qu’ils l’ont aidé à s’échapper.
Lars marqua une pause après qu’il eut prononcé sa dernière phrase. Il releva la tête et plongea son regard de cuivre sur l’un des vitraux nimbés de la lumière extérieure. Puis il reprit lentement la parole, en fixant Jamal :
— Les temps changent… n’avez vous donc, pas senti qu’au-dehors l’air s’est rafraîchi ? Et cela ne m’étonne pas, vraiment pas. Vous deux, vous irez à la recherche de Destinée car, je crois bien que nos ennemis ont vu juste, confirma-t-il en fermant ses paupières. Pour cela, suivez les troupes ennemies drapées de noirs et à bonne distance, surtout !
Et Lars saisit ses longs cheveux rouges qui descendaient jusqu’aux genoux d’une main et demanda à Raliha :
— Ma chère, sois aimable et passe-moi l’une de tes dagues.
Raliha s’exécuta. L’instant d’après, Lars les coupa au niveau des épaules.
— Maintenant, mon fidèle Jamal te voila désormais, Maître ! Tu pourras prendre comme disciple qui tu voudras. En revanche, je vais m’occuper de l’entrainement de Rakièl.
27
Lars, patienta encore, les regarda et à voir l’expression de son visage émincé, il semblait avoir de la peine.
— Tout se passera pour le mieux, vous verrez ! Alves, toi... tu vas rester pour préparer une contre-attaque, si contre-attaque il y a. maintenant, partez, partez avant que la noirceur ne reprenne ses droits.
Le couple de Feu se dirigea vers la sortie et avant qu’ils ne la dépassent, Lars relança : — Mes fidèles, je crois très fort en vous !
Et les portes se refermèrent.
— Quant à toi, Alves. Commence dès maintenant à annoncer cette triste nouvelle et avec du tact je te prie. Pense à nos citoyens les plus fragiles. Ensuite, tu commenceras les préparatifs pour former les plus forts et les plus vaillants d’entre eux.
D’un geste régalien, il lui somma de se retira et replongea son regard dans la lumière du vitrail. Lars savait tout car, il avait une certaine maîtrise pour l’Art divinatoire et avait en partie lu les lignes du Destin. A
Annotations