
Zenaïde
Bonjour. Voilà j'arrive. Me sens un peu perdue et impressionnée aussi. J'ai un projet d'écriture que je voudrais mener à bien, et batailler contre la procrastination et tout ce que l'on peut éprouver dans ce genre de contexte est une lutte de tous les instants. En plus je suis timide. La totale. Ne soyez pas vexés si je suis silencieuse : ce n'est pas que je ne m'intéresse pas à ce que vous faites ni que je trouve ça nul. C'est peut-être davantage parce que je n'ose pas. N'hésitez pas à me demander mon avis s'il vous intéresse. :)
J'essaie de prendre le temps de vous lire mais puisqu'il y a beaucoup à lire, je préfère m'attacher à ceux qui écrivent des textes en lien avec le fantastique ou fantasy, genres que j'aime.
Les critiques sont les bienvenues, sans être cassantes si possible, car on sait bien, tous, à quel point le sujet de l'écriture peut être sensible.
Je remercie ceux qui ont pris le temps de me lire et d'annoter ce que j'ai fait.
Œuvres
Il arrive parfois que l'on comprenne dès les premières minutes d'une rencontre que toute notre vie en sera changée, comme nos goûts, peut-être même notre avenir. L'évidence s'impose à nous avec une force telle que cela nous laisse abasourdis. Nous voilà amoureux. Et l'on se dit que c'est incroyable, qu'on a une chance folle, parce que c'est un magicien que l'on vient de croiser, et qu'il a ouvert pour nous une porte sur un autre monde, ou, pour être honnête, DES portes sur DES mondes. Une longue histoire d'amour commence alors, dans laquelle on jure fidélité, sans se douter qu'il y aura des hauts et des bas, des tensions, des lassitudes et des déceptions parfois. Et le temps passera, on prendra parfois un peu de distance, on se dira que ce n'est pas si grave si on l'aime moins, que c'est normal, qu'il a vieilli, et nous aussi d'ailleurs. On ne parvient pas à se séparer pourtant ; pas vraiment en tout cas. Mais en fin de compte, on ne vit plus vraiment ensemble. De temps en temps, on se donne rendez-vous, même si on sait que ces rencontres n'ont plus la saveur d'autrefois. On le sait à l'avance, mais impossible de résister. Les habitudes ont la vie dure. Fallait pas mais tant pis, docteur. Dans cinq cents pages, ça ira mieux.
Voilà comment j'ai rencontré Stephen King. J'avais douze ans. Mes parents m'avaient emmenée sur l'Île d'Oléron durant les vacances de la Toussaint. Ils avaient réservé une chambre dans un vieil hôtel sur le bord de la plage. Je me souviens encore de la peinture blanche écaillée qui partait par plaques sur les boiseries de la terrasse, côté plage, et qui s'enfonçait parfois en éclats douloureux sous les ongles quand je la grattais. Suivre mes parents en vacances ne me posait pas encore de problème particulier. Trois ans plus tard, il faudrait me bâillonner et me jeter dans le coffre, mais à douze ans, ça ressemblait encore à des vacances.
L'hôtel qu'ils avaient choisi était quasiment désert fin octobre, et l'endroit avait le charme du hors saison, quand les lieux eux-mêmes sont rincés des cohortes de touristes et peuvent respirer, ou plutôt quand on peut les entendre respirer de nouveau dans ce silence. C'était mon Overlook à moi. Un vieil hôtel qui s'apprêtait à fermer pour de longs mois d'hiver. Mon Disneyland après l'extinction des feux, quand la fée clochette a foutu le camp et laissé la place aux ombres sinistres qui sortent des recoins en rampant.
Au début des vacances, j'étais entrée dans une librairie, et pendant que ma mère cherchait je ne sais quoi, je m'amusais à faire tournoyer des présentoirs à livres au format poche pour patienter. Et tout à coup, la couverture de l'un d'eux retint mon attention, parmi toutes les images qui défilaient à toute vitesse. Salem. Stephen King. L'illustration représentait un enfant aux yeux blancs et aux petites dents pointues souillées de sang. Terrifiant. Le fait que l'enfant soit représenté de manière monstrueuse me frappa. La quatrième de couverture n'était pas mal non plus. Elle évoquait une série de faits mystérieux dans la ville de Salem, bourgade située dans l'état du Maine. Je ne savais même pas où ça se trouvait. Je connaissais bien la Maine, mais pas le Maine. Cédant à mes instances sans trop prêter attention au roman, ma mère m'acheta le livre.
Or, il s'avéra que le soir même, les premiers symptômes d'une grippe se manifestèrent. Ma nuit fut épouvantable, entrecoupée de poussées de fièvre et peuplée de cauchemars. Le lendemain matin, ma mère se rendit à la pharmacie et revint avec de l'efferalgan. Assez facilement, elle accepta de me laisser seule dans la chambre d'hôtel et insista pour que je m'enferme. Allez zou! Les parents en goguette, moi au pieu, avec un bouquin qui avait réussi à échapper à la censure maternelle. Le bonheur. Je me plongeai alors avec délice et une certaine appréhension, il faut bien l'avouer, dans l'histoire ainsi que dans la ville même de Salem. Dehors, le vent d'octobre mugissait et l'hôtel craquait autant qu'un vieux voilier. Je réussis à me faire excuser le jour suivant encore afin de poursuivre ma lecture. Le troisième jour, sommée de quitter mon lit et poursuivie par la vindicte parentale, je parvins à le finir entre deux visites de phare et de parc à huîtres puis j'entrepris de le digérer. Cette dernière étape me prendrait bien plus longtemps que trois jours.
Le récit m'est resté en mémoire assez clairement. J'observais, je m'en rappelle très bien, ébahie et consternée, la manière dont l'épidémie vampirique se répandait sur Salem, la façon dont la nasse se resserrait autour du héros, et l'art de King quand il décrivait ses personnages, avec ce réalisme et ce sens du détail qui les rend si vivants, juste avant que l'auteur ne les tue dans des conditions épouvantables. Je me souviens parfaitement du passage où le petit garçon vampire vient flotter devant la fenêtre de ses parents pour les convaincre de la lui ouvrir et de l'inviter à entrer (Mais non ! Non ! Ne faites surtout pas ça !) et de la terreur que j'éprouvais sans parvenir toutefois à m'arracher à ce livre. Et lorsque la nuit arrivait, dans le roman comme en vrai, je sentais monter une sourde angoisse à l'idée de ce qui pouvait venir gratter à la fenêtre.
Salem fut donc le lieu de notre rencontre et le début de cette histoire d'amour platonique entre le roi et moi. Ouvrir un de ses romans fut toujours, par la suite, comme me glisser à nouveau dans un monde de plus en plus familier au fur et à mesure de mes lectures. Et si, par la suite, nous prîmes une sorte de distance, ce n'est pas à lui que je dois le reprocher. J'en porte seule la responsabilité. Les contes de fées, comme les romans du roi, sont des récits dans lesquels il devient de plus en plus difficile de se glisser au fur et à mesure que le temps passe. Peut-être parce que la plupart d'entre eux mettent en scène des enfants. Mais il est des auteurs avec lesquels on reste marié. Pour le meilleur et pour le pire.