
Pierre Beaury
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"Il allait à l'église, priait, dormait sur un banc la plupart du temps, se confessait parfois, et en sortant il pissait dans le bénitier."
Dans cette nouvelle nous découvrons une série d'étranges personnages à travers les souvenirs d'un jeune homme. Des fous, des clodos et aussi un étrange type qui voulait ressusciter Charles Bukowski, le célèbre auteur américain et auto-proclamé "vieux dégueulasse".
Dans cette nouvelle nous découvrons une série d'étranges personnages à travers les souvenirs d'un jeune homme. Des fous, des clodos et aussi un étrange type qui voulait ressusciter Charles Bukowski, le célèbre auteur américain et auto-proclamé "vieux dégueulasse".
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Portrait nature 1. Si tu étais un animal, tu serais : un bousier car je suis souvent dans la merde. 2. Si tu étais une plante : un radis (je n'en ai pas un en ce moment) 5. Si tu étais une saison : hiver, évidemment pour les raclettes, fondues, vin chaud, et repas de famille qui durent 12h. 6. Si tu étais un moment de la journée : l'heure de l'apéro bien sûr, environ vers 9h du matin. Portrait lieux 8. Si tu étais un pays : La France ! (les autres c'est de la figuration) 9. Si tu étais une ville : Montcuq me paraît être un bel endroit. 10. Si tu étais une planète : Uranus pour rester dans le thème... 12. Si tu étais une pièce de la maison : je vis dans un 18m², mes chiottes c'est ma salle à manger, donc difficile à dire. Portrait objet 13. Si tu étais un objet du quotidien : un tire-bouchon (c'est dans la catégorie quotidien oui !) 14. Si tu étais un véhicule : une Fiat multiplat, c'est moche mais pratique. 15. Si tu étais un vêtement : une culotte pour pouvoir... Euh. Je passe... Portrait culture 18. Si tu étais un mot : le mot "mot". 19. Si tu étais un dessin animé : bip bip et coyote. Un vieux chien dégueulasse du désert qui essaye de piéger à tout prix une belle autruche ça cor
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Alors tu as envie de changer le monde ? Commence déjà par nettoyer la vaisselle sale qui traine dans ton évier, faire ton lit et valider ta quatrième Licence 1, veux-tu ! Tu seras là le 10 septembre ; très bien, bloque tout si ça t’amuse, moi, par principe, j’irai travailler, histoire de pouvoir payer mes impôts et mon loyer… ce n’est pas comme si on avait bien le choix de se faire extorquer… Enfin, fait, fait, gambade ! J’ai été comme toi jadis… Va pour Nuit Debout en Gilet Jaune et pancarte Interdire d’interdire ! Comment c’est déjà pris ? C’est vrai qu’il faudrait trouver une identité à ta révolte… commencer par le drapeau français, puis un slogan comme : « Liberté à Vie ! », ou « Solidarité pour Toujours ! »… bon je n’ai pas d’inspiration, tu m’excuseras, mais tu m’as compris ; ce n’est pas le choix des boniments qui manque ! C’est sûr pour la pancartade, la grève entre deux jours de chômage, le gueuloir sur place publique de tes inepties bolcheviques, le vin semble couler à flot et le pain ne manque pas. « Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines ». Tout semble sans conséquence n’est-ce pas ? Le printemps du peu
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"Soyons honnêtes entre nous. Aucune version de toi-même ne vaut le coup d’être vécue. "
Confrontation entre un jeune homme alcoolique et dépressif et son colocataire.
Confrontation entre un jeune homme alcoolique et dépressif et son colocataire.
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Tous mes songes m'avaient reconduit à la nostalgie de ces temps merveilleux où Marguerite et moi jouions ensemble dans le bois de René, courions de l'ancien four à chaux jusqu'à l'église du village, nous promenions main dans la main dans la clairière qui monte à la colline – tels les deux enfants innocents que nous étions et qui n'osaient pas s'avouer amoureux – pour contempler depuis ce sommet qui surplombait le village, une vue d'une beauté menaçant la perfection : notre beau pays des Alpes Mancelles ; lequel n'avait plus rien de montagneux depuis les temps anciens, mais déployait devant nos yeux innocents d'autrefois ses champs de blé, en jachères ou en coquelicots, enclos d’une multitude de haies se croisant, recouvrant un terrain légèrement ondulé et sillonné de petites rivières qui semblaient toutes converger vers le mont sur lequel nous étions assis côte à côte, Marguerite et moi, comme si nous eussions été la source secrète d'un bonheur juvénile imperceptible à quiconque d'autres que nous. Un matin, au temps du bel été, qui m’apparaît à la fois comme hier et l’éternité, j'avais pris ma timidité à revers et j’avais enfin osé demander la main de Marguerite. Nous avions bien g
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Nous nous roulions des pelles depuis une bonne dizaine de minutes. J’étais assis sur le fauteuil dans mon salon et elle était sur moi. Mes mains glissèrent vers le bas de son corps dans le but de lui enlever son maillot. Elle ôta ses lèvres des miennes, me regarda tendrement, caressa ma barbe et jeta un rapide coup d'œil vers mes fenêtres. Soudain elle poussa un cri sourd et retentissant, elle tomba à la renverse d’un côté et m'entraîna dans sa chute. Nous étions au sol mais elle continua de crier :
– Une guêpe !!! Une guêpe est rentrée Valentin !
Elle se releva d’un rapide bond.
– Calme-toi, dis-je en me redressant.
Mais je savais très bien que c’était impossible, dès qu’elle apercevait un insecte volant c’était l’hystérie.
La guêpe tournait toujours autour de mes velux que j’avais laissés entrouverts. Elle ne paraissait pas agressive, juste curieuse. En m'approchant d’elle tout en balançant mes bras, j'essayai tout de même de la chasser, mais elle avait visiblement décidé de rester dans les parages.
Bien mal lui en a pris, car je vis tout d’un coup ma partenaire débarquer avec une bombe aérosol, elle ferma les yeux, cria un “Attention !” , puis commença à gazer la guêpe (ainsi que moi-même) d’insecticide.
Après de longues secondes elle s’arrêta enfin. Mes yeux me piquaient et je toussais.
– Elle est morte ? questionna-t-elle encore inquiète.
– Si avec ça elle ne l’est pas !
Plus ou moins rassurée, Eloïse s'intéressa enfin à moi :
– Ça va mon chéri ?
– Ouais, je viens probablement de me choper dix-huit cancers d’un seul coup avec les trois hectolitres de produit que tu as balancé mais ça va !
Je repris peu à peu mes esprits et vis la guêpe qui gisait à mes pieds.
– Il faut vraiment que tu te calmes avec les insectes ! m’énervai-je.
– Je ne le fais pas exprès, c’est une vraie peur, tu ne la prends pas au sérieux ! C’est parce-que tu es Scorpion ça !
– Et donc tu vas me dire que cette scène c’était dû au fait que tu es Balance ascendant Chaise de jardin, où je ne sais quoi ? m’exclamai-je en levant les yeux au ciel.
Elle me répondit par un fort soupir et un regard noir. Elle tourna les talons, prit ses affaires et son sac et claqua la porte de l’appartement.
Je me trouvais fin, cinq minutes avant nous allions passer du bon temps, et maintenant j’étais seul dans mon salon qui empestait l’aérosol. Je me dirigeai vers mon frigo et me claquai une bière. Ma technique pour me calmer était de regarder des images de chatons et de chiots mignons sur Internet. Défilant les photos et sirotant ma bière, je me calmai assez vite; puis le regret commença à poindre.
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Réponse au défi estival #6 de billetcognitif. Sur le thème de la rumeur.
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Je regardais intensément cette tasse de chocolat chaud. Dessus il y avait l’image stylisée en noir de la tour Perret, et à côté "AMIENS" écrit en grand. Le temps où tout était mieux ? Le temps des premières fois : première conduite, premières khôlles en classe préparatoire, premières amitiés et inimitiés, premières beuveries et premier amour.
Et maintenant, sept années plus tard, je tremblais en buvant ce lait chocolaté car il manquait cruellement de vodka. Il s’en était passé des choses entre-temps. Des objectifs ratés, des chagrins d’amour, des bagarres, des comas éthyliques, des moments de honte, de la solitude, des dépressions, des cons, des femmes, des malades, des fous, des morts, et j’en passe.
Et maintenant que faire ? Dans ce village aux mille-cent visages. Dans le nord de la France, avec un diplôme d’ingénieur en poche. J’en connais un nombre important dans mon entourage qui me jalouse pour ce bout de papier. Mais ils ne savent pas ce que c’est. Personnellement, ayant fait les deux, je n’ai pas vu beaucoup de différence entre récurer des chiottes dans un atelier, et créer un prototype d’armement militaire. L’ingratitude est reine dans les deux cas. Mais attention ! Certains sont faits pour ça, et sont même très bons ! C’est évidemment un métier nécessaire. Seulement, pas pour moi.
Je finis ma tasse de chocolat, raclai le fond et soupirai intensément.
“Je donnerai mon âme pour une bière”, pensai-je.
Mais mon âme était partie vers mon cœur. Et celui-ci s’était enfui depuis longtemps hors de mon corps.
Dehors le soleil de l’été brillait, mais il n’avait pas l’air de faire trop chaud. C’était le temps idéal pour se poser en compagnie d’une boisson fraîche. Malheureusement j’étais ici depuis une semaine et j’avais déjà asséché mes deux packs de 12x25cl et une quille de vin. (Et je m’étais rationné !)
Je décidai donc d'aller marcher vers l’épicerie en bas du village. Avant cela, je vissai une casquette sur ma tête et enfilai des lunettes de soleil.
Il n’y avait que quelques kilomètres à parcourir. Je pris un bout de forêt pour rendre le voyage agréable. Les bois étaient anormalement calmes. Aucun oiseau ne chantait, le vent ne soufflait pas ; seules quelques minces gouttes de pluie rendaient la scène vivante. Je marchais assez rapidement car j’étais pressé d’atteindre mon Graal, ma Terre promise. Durant le trajet je réfléchissais à toutes sortes de choses, par exemple : pourquoi j’écrivais cette chronique, pourquoi quelqu’un la lirait, est-ce que tout devait être vrai, ou bien pouvais-je tricher à ma convenance pour me faire passer pour quelqu’un que je n'étais pas mais qui m'arrangeait ? Bref, ce genre de conneries qui vous taraudent la tête jusqu’à l’os.
Ainsi, si vous êtes tombé sur ce papier et que vous avez eu le courage de lire jusqu’ici, mais que vous vous faites passablement chier, ou que vous n’avez pas le temps de lire la suite car les gosses ont faim, ou que votre femme veut installer une pergola “façon bohème”, mais que c’est à vous de vous y coller, au lieu de vous remplir tranquillement le bide de bière et d’aller vous vider dans votre voisine nymphomane. Et bien je vous propose de faire ce que vous devez faire et de revenir plus tard. Ou jamais. Pour les autres : les chômeurs, les lecteurs, les branleurs, les étudiants, et les fonctionnaires, qui sont intéressés de savoir comment, moi, un écluseur de pinte semi-pro, myope, qui mesure un mètre soixante-cinq, me suis tapé une actrice porno, reportez votre suicide à plus tard et lisez la suite.
J’arrivai donc quelques minutes après l’ouverture de l'épicerie, il y avait déjà une quinquagénaire en surpoids, un type style surfeur ringard et un vieux vouté qui portait un masque chirurgical sur la trogne. Le caissier parlait fort au téléphone de sorte qu’on pouvait entendre sa conversation résonner dans tout le magasin.
– JE TE DIS QUE JE NE PEUX PAS SAMEDI. JE TRAVAILLE…
OUI OU NON, DIMANCHE ALORS ?
TON MEC REVIENT QUAND ?
… QUEL CON ! PFF.
OUI, J'AMÈNE MON FOUET.
ET DE LA PIZZA ?
D’ACCORD…
JE TE LAISSE, JE DOIS ENCAISSER…
Bonjour M’sieur.
– Bonjour, dis-je en déposant mes trois cans de bières sur son guichet.
– Quatre euros vingt, dit-il en observant d’un air vague le magasin.
Je payai et partis avec mes trophées. C’était un alcool de coefficient d’ivresse radine de 2,5. Ce n’était pas dingue, mais pas trop mal. Quel est ce coefficient dont tu parles ? entends-je murmurer des lecteurs imaginaires.
Comme j’ai un peu de temps et que vous aussi (pour rappel ma vie et la vôtre ne mènent à rien, vous vous haïssez probablement et votre chasse d’eau fuit) je vais expliquer ce coefficient. La formule mathématique n’est pas bien compliquée, c’est la suivante :
coefficient d’ivresse radine = quantité d’alcool (en litre) x degré d’alcool ÷ prix (€).
Cela donne par exemple, pour mon cas actuel, qui ai pris une canette de 50cl de bière à 7% à 1€40 : 0,50 * 7 ÷ 1,40 = 2,5. Ainsi plus le coefficient d’ivresse radine (IR) est élevé plus vous serez alcoolisé à bas coût. Cela marche évidemment avec n’importe quel type d’alcool. Et la qualité dans tout cela me diriez vous… Ne soyez pas grossier…
Je m’installai sur un banc à quelques centaines de mètres de l’épicerie, j’étais dans le lotissement où un de mes amis d’enfance avait habité. Je pompais ma bière et commençai à écrire cette fichue chronique. Mes pensées divaguèrent encore vers je ne sais trop quoi. Puis arriva le point d’inflexion; celui où la réalité et la fiction se rencontrent.
Le corps de la femme que je vis arriver dans ma direction était parfait aux endroits où ils devaient l'être, le timide rayon de soleil qui pointait derrière un nuage gris l’illuminait comme une déesse tombée du ciel, elle s’approcha encore, elle avait des yeux qui pouvaient transporter n’importe qui n’importe où, probablement dans un lieu jalousé par le paradis lui-même. Ses cheveux étaient châtains, lisses et soyeux. Je lui donnais environ 28 ans. Elle promenait son chien, un berger allemand.
– C’est un joli chien que vous avez là, dis-je quand elle avait atteint mon banc.
– Merci, dit-elle avec un sourire timide.
Le chien s’approcha de moi avec un air curieux.
– Je peux le caresser ? Il est gentil ?
– Il est gentil, affirma-t-elle, il est méchant uniquement avec les méchants…
Je tendis ma main vers le chien, il la renifla, puis se laissa caresser. Il semblait content.
– Et bien il faut croire que je suis gentil, rétorquai-je en regardant la jeune femme.
– Tu en as l’air.
Elle observa mon carnet griffonné de l’esquisse de cette nouvelle et me demanda si j’étais écrivain.
– Non, j’écris juste comme ça… Pour écrire. En réalité, je suis ingénieur et alcoolique de métier.
– Tu ne dois pas être au chômage alors, ironisa-t-elle.
– Il faut croire que si visiblement…
Il y eut un léger silence, elle sourit. Je jetai un oeil à ma bière qui se réchauffait au soleil.
– Tu veux boire un verre chez moi ? suggéra-t-elle.
J’étais étonné de la proposition, mais j’acceptai. Je récupérai ma can et mon carnet et la suivis.
– Comment t’appelles-tu au fait ? m’interrogea-t-elle sur le chemin.
– Plus ou moins Pierre, répondis-je après m'être inondé le gosier de bière.
– Plus ou moins ?! s’étonna-t-elle.
– Aujourd’hui, disons Pierre.
– Tu es étrange Pierre, dit-elle en souriant, moi c’est Estelle.
– Tu habites dans le lotissement ?
– Oui. D’ailleurs nous arrivons.
C’était une longue maison en brique qui avait l’air de contenir plusieurs petits appartements au rez-de-chaussée et à l’étage. Elle ouvrit le petit portail en fer forgé, nous passâmes dans un petit jardin avec un toboggan et un ballon en plastique puis elle m’invita à entrer. Après avoir passé un court couloir, nous montâmes les escaliers et atterrîmes dans son appartement. Le chien se rua sur le bol de croquettes puis se posa sur le tapis de l’entrée. Il y avait une petite cuisine devant l’entrée principale et puis sur le côté un grand salon avec un lit au centre et plusieurs trépieds de photo autour.
– Et toi, que fais-tu ? demandai-je en observant attentivement la pièce.
– Je suis “performeuse”, dit-elle en se caressant les cheveux.
– Mmh ?
Elle enleva sa veste et s’assit sur son lit. J’avais toujours mon sac à dos et ma bière en main.
– Je fais des photos nues que je fais payer à des gens, et je tchatche avec certains abonnés aussi…
– Ils doivent être très charmants, dis-je avec ironie.
– Et bien, figure-toi qu’ils le sont ! C'est des gentils bonshommes !
– Comme moi ?
– Tu n’es peut-être pas aussi gentil qu’il n’y paraît, renchérit-elle en retirant son maillot, la découvrant en soutien-gorge. Je terminai ma bière avec un sourire en coin, puis me ruai sur elle.
Nous le fîmes trois fois, avec de courtes pauses.
J’étais essoufflé à la fin du troisième round. Je me levai du lit et allai chercher une autre bière. Le chien dormait.
– On peut le refaire ? quémanda Estelle.
Je repensai à cette chronique à la con. Si ceux qui avaient abandonné la lecture au début savaient ce qu’ils loupaient… Pas grand-chose en vérité. Mais moi je prenais mon pied à imaginer cette fiction réelle.
– J’arrive ! lançai-je.
Je bus rapidement la moitié de ma bière et m’avançai vers son lit.
– On peut filmer cette fois-ci ? demanda-t-elle.
– Euh…comment ça ? m’inquiétai-je soudainement. Je crois que je ne suis pas sûr…
– J’ai une cagoule si tu veux. On ne te reconnaîtra pas ! Allez !
Sur le coup de l'ivresse, j’acceptai, et elle partit me chercher une cagoule noire qu’elle me fixa sur la tête. Je devais avoir l’air fin, en plus ça me donnait très chaud. Elle alluma une caméra, s’approcha lentement de moi, mais à ce moment-là je n’arrivai plus à faire monter le chapiteau.
– Ben alors ? dit-elle.
– Ben alors… dis-je en montrant l’appareil qui nous filmait avec la main.
Elle m’aida avec sa langue. Et nous le fîmes une quatrième fois.
Ainsi donc, quelque part, je ne sais où, j’espère très loin, se trouve une vidéo de moi cagoulé, faisant des galipettes avec cette femme.
Il se faisait tard et j’avais une grande envie de partir. Je pris une douche froide et me rhabillai.
– Bon, dis-je à Estelle.
– Oui, fit-elle, presque embarrassée.
– Je vais y aller, dis-je.
– Je ne te retiens pas, dit-elle.
– Tant mieux, achevai-je en partant.
Je sortis de l'appartement sous les coups des dix-neuf heures. J’avais tourné dans une vidéo porno, bon, très bien. Si elle se faisait du bifteck avec ça, je n’allais probablement rien percevoir. En remontant vers chez moi, je me rappelais l’expression : “On ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière !”.
Je me disais qu’avoir du beurre n’avait pas grand intérêt. L’argent du beurre ça par contre c’était déjà plus intéressant. En effet avec l’argent du beurre, il est possible d’acheter du beurre ou alors des bières ou d’engager un mec qui installerait lui-même la pergola “façon bohème”. Les possibilités sont presque infinies. Quant au cul de la crémière. Ce n’est pas désagréable, je venais de l’avoir, cependant elle ne m'avait filé ni argent ni beurre.
On ne peut effectivement pas tout avoir, et à choisir je ne savais pas réellement ce qui était le mieux. Pour rentrer, je repris le chemin par la forêt, et les oiseaux ne chantaient toujours pas.
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Quelque part à environ 6000 km de Manhattan.
– Les voilà enfin m’sieur, indiqua l’officier de police à son supérieur.
Ils étaient assis sur un banc en train de manger des casse-croûtes - jambon, beurre, moutarde - d’ailleurs l’un des deux flics, le chef, s’était taché son uniforme avec de la sauce. Ce dernier se leva et alla en direction du détective et de son assistante qui sortaient de la voiture (une DS noire, premier modèle, très poussiéreuse, vidange à réaliser et pneus arrière un poil en sous-pression).
Le détective - ou peut-être était-il inspecteur ? - quand bien même j’étais le narrateur j'ignorais son grade exact (je m’en foutais pas mal aussi) avait comme nom de couverture “Clavecin”, à cause de son amour inconditionnel pour la musique classique. Il appartenait à une société privée chargée d’enquêter sur des événements plus ou moins criminels et plus ou moins mystérieux. Son assistante était une jeune femme d’environ vingt ans qui s’appelait Jeanine Toussaint ; c’était sa première mission sur le terrain et elle n’avait pas encore eu le luxe de choisir son nom de code.
– On ne vous attendait plus ! envoya le capitaine de police certainement irrité d’avoir attendu si longtemps et également de s’être taché (en plus la laverie du commissariat était en panne, alors il allait devoir rester une semaine dans cet accoutrement - “comment voulez-vous faire régner l’ordre comme ça” s’était-il emporté face à son collègue impuissant - ).
– Ah la flicaille, sourit ironiquement Clavecin, l’heure est au beurrage des sandwiches à ce que je vois ; les renégats et les délinquants ont du souci à se faire ! Figurez-vous messieurs les agents de la maréchaussée, que nous nous sommes perdus en rase campagne. Je me demande bien comment vous faites, vous, les ruraux, pour vous situer dans cette pampa - un champ à côté d’un champ, à côté d’un autre champ dont l’horizon est la frontière : une forêt par ci par là, tout se ressemble ici. M’enfin, les villages sont pittoresques et les gens sont charmants (c’est à se demander qui pourrait vouloir tuer qui que ce soit d’ailleurs), un brave homme (dont j’ai eu du mal à comprendre le français buriné de patois) nous a indiqué la direction de ce lieu, et nous voilà… Mais peu importe notre périple, abrégeons les mondanités, où est notre macchabée du jour ?
– Là-haut, dit le chef de police en pointant du doigt le vieil appartement en face d’eux.
– Où ça là-haut ? interrogea le détective qui plissait les yeux éblouis par le soleil au zénith.
– Là, cette baraque, en face ! Vous ne voyez pas ?! Celle avec les volets fermés.
– Attendez, j’en vois trois avec les volets fermés, c’est celle qui a les volets bleu-verdâtre là ?
– Non les rouges à côté, s’agaça le chef de police, ceux que je vous pointe depuis trois-quart d’heure !
– Nom de dieu, vous parlez d’un œil de lynx ma parole, il ne faut pas avoir les yeux embués pour les voir tout de même ces volets… Maintenant qu’on le sait c’est facile, mais celui qui ne sait pas, avouez que ce n’est pas évident ( en plus de ça, désolé de vous dire qu’ils sont oranges vos volets, pas rouges…) - il fixa intensément l’endroit - Ouais… rouge orangé à la limite, c’est l’éclat du soleil qui vous joue des tours je pense… À la limite même je dirais qu’ils tendent vers le jaunâtre, un peu moutarde, bah tiens comme votre tâche là sur votre uniforme : pareil !
L’officier fulminait de l’intérieur, Jeanine et l’autre flic observèrent la scène, l’une nonchalante, et l’autre curieux. Toutefois ce dernier jugea bon d’intervenir.
– Comme disait le chef, le corps il est là-haut, et en plein milieu du salon qu’il est, et dans une belle mare de sang (bien rouge) qu’il infuse - il marqua une pause pour sourire lui-même à sa plaisanterie puis voyant que personne ne réagissait, continua - Nous vous attendions pour récolter des indices. Même si je ne comprends pas vraiment pourquoi nous avons affaire à votre… société, j’ai l’impression qu’on est sur de l’homicide classique, peut-être même un suicide, le type s’est carabiné la caboche tout simplement, ‘fin je pense… Contrairement à ce que vous pensez de nous… nous on sait gérer ça.
Sous le regard inquisiteur de Clavecin, l’agent se troubla.
– Si mon patron vous a indiqué que nous venions, dit sèchement l’inspecteur, c'est qu’il y a quelque chose que des gratteurs de procès-verbaux ne peuvent pas gérer... L’aigle chasse bien mieux que la buse variable, n'est-ce pas ?
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* *
Jeanine Toussaint et Clavecin entrèrent dans l'appartement baigné de ténèbres, la mince lumière provenait du soleil et passait à travers les trous des volets qui semblaient, en effet, bel et bien, rouges, quoi qu’un peu orangés (honnêtement c’était difficile à décrire, c’était comme si que, dès, que vous les pensiez être d’une certaine couleur, ils se muaient en une autre dans l’instant) je sais que j’ai le devoir d’être omniscient et objectif, car je suis le narrateur de ce récit, mais cette histoire de volets est un artefact dans ma vision. Et puis de toute façon quelle est l’importance de la couleur des choses dans mon monde en noir et blanc ?
– D’après les policiers le corps devrait être dans le salon, dit l’assistante en décrochant son pistolet de la ceinture, soyez sur vos gardes Monsieur, il y a peut-être quelqu’un…
Le détective, les mains sur les hanches, lui adressa un sourire aimable.
– C’est gentil de vous inquiéter pour moi ma chère Jeanine.
L’assistante fronça les sourcils d’incompréhension.
– Il serait peut-être judicieux de fouiller les autres pièces ? hésita-t-elle.
– Faites comme bon vous semble ma chère, dit-il en se dirigeant vers la kitchenette, après tout c’est par l'initiative que l’on apprend.
Elle semblait avoir du mal à comprendre le flegme dont faisait preuve son supérieur, pour elle il était soit stupide ou bien avait un coup d’avance sur tout - une intuition hors du commun, peut-être ? - ou alors n’était-ce rien de tout ça, ou tout à la fois. Elle s’engagea lentement au fond de la pièce vers une porte qui était entrouverte. Pendant ce temps Clavecin, dans la cuisine, soulevait le couvercle d’une casserole et tomba sur un genre de ragoût (il semblait être encore bon) puis il ouvrit les placards au-dessus des plaques de cuisson : il y avait des assiettes, des verres (dont un avec des empreintes de doigts ensanglantés - qu’il ignora -), et autre chose qui attira plus vivement son attention : une bouteille de whisky entamée. Et c’est d’une main, qui l’attrapa, et c’est longuement qui la regarda, et le liquide, à l’intérieur : c’était l'antidote & le poison. & la tempête de pensée qui lui déchirait la tête, je la connaissais, le tonnerre d’envie, j’y avais été confrontée - lors de mon emprisonnement - et ce moment qui semblait mourir dans le temps, lorsque que je n’avais pu… goûter ce __poison////antidote, qui pour moi était tout ; je le comprenais aussi lorsqu’il regardait cette____bouteille & les idées qui lui pénétraient le cerveau ; ce qui semblait pour lui être la solution___ à l’enquête était en face de lui. Dans ce liquide, il y avait tout... Car c’était l'antidote. Il le savait. Je le savais très bien aussi, s’il prenait une simple gorgée, il allait tout voir, et non plus que des bribes. Mais quel genre de tempêtes de pensées lui déchirait la tête ? Oh j’y avais été confronté : au manque (mais moi j’avais eu la chance que ce soit contre ma volonté), & l’inspecteur, lui, avait décidé d’arrêter de son plein gré, il y a un mois, mais il continuait à la regarder cette bouteille, pourquoi avais-je arrêté ? se demandait-il. Puis il vit le reflet de lui-même à l’intérieur du whisky, ainsi que l’ombre de moi qui le regardait en fantôme, derrière lui.
– Monsieur, venez vite ! cria la jeune assistante dans la pièce d’à côté.
Le détective se dégagea de sa torpeur, posa la bouteille et accourut dans la pièce où se trouvait la jeune femme. Le crime y était là, dans cette pièce, un homme, dos au sol, baignant dans une flaque de sang couleur moutarde, et Jeanine qui était penché sur la tête du cadavre (si l’on pouvait appeler ça une tête), en effet, à la place des yeux, du nez, des oreilles il n’y avait rien, juste une peau blanche, immaculée. Comme une fesse. L’expression “avoir une tête de cul” ici correspondait bien.
– Comment est-ce possible ? demanda Jeanine apeurée, il n’a pas de visage.
Clavecin resta silencieux, et, pendant un bref instant, aperçut dans ce vierge faciès un portrait qui lui était familier.
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Depuis que j’étais alité à cause de la maladie que m’avaient infligée les ardeurs de l’été suffocant, je ne pensais qu’au souvenir voluptueux de mes dernières vacances, lesquelles paraissaient bien lointaines maintenant que j’étais souffrant. Malgré les quelques déceptions que j’avais eues là-bas, elles semblaient n’avoir été qu’un long et doux rêve. Comme j’avais la fâcheuse tendance à exagérer chaque fois que des symptômes anormaux, mêmes minimes, se déclaraient en moi, papa et maman n’avaient pas cru bon s’inquiéter outre mesure. Cette dernière m’avait dit, alors que j’étais serré, sur le siège du milieu de la banquette arrière, entre deux bagages : ‘arrête ton cinéma Valentin voyons ! Tu n’es pas malade… on ne tombe pas malade au milieu du mois d’aout !’ J’avais naïvement demandé pourquoi ; elle m’avait répondu : ‘c’est comme ça. Maintenant, boucle ta ceinture ; papa a fini de ranger les valises, on va partir !’ Et puis j’avais entendu le coffre de la voiture claquer violemment derrière moi, comme un coup de fusil qui retentit et résonne dans une vallée de montagne, car le berger vigilant vient d'abattre un loup qui trainait trop près du troupeau… et moi j’étais ce loup solitai
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