
Alexandre Gamet
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— Monsieur… Silence. — Monsieur, on se réveille, monsieur ! Contrôle des billets de transport ! Monsieurrr… La voix me perça les tympans comme une vrille rouillée. Stridente. Sèche. Insistante. Et bien trop proche. J’ouvris un œil. Lumière blanche, tremblotante. Wagon bondé. Odeur de vieux plastique chauffé, de sueur sèche, et de café froid. Je ne savais plus trop depuis combien de temps je dormais. Ni depuis combien de temps je n’étais pas complètement sobre. Le train tanguait doucement, comme s’il hésitait lui-même entre l’avant et l’arrière. — Monsieur, je dois insister sous peine d’amende. Présentez-moi une pièce d’identité et votre billet de transport. Maintenant. Elle avait dit maintenant comme on dit exécution. Une espèce de petite blonde sévère, en uniforme, les yeux fatigués mais déterminés. Elle tenait son scanner de billets comme une arme. Moi ? Je devais ressembler à un déchet oublié sur une banquette. Je me redressai à moitié, sentant ma chemise coller à mon dos. Une odeur de renfermé, de whisky éventé, de cuir synthétique, de moi. Ma veste était tombée par terre, ma bouteille vide roulait sous le siège. Et puis mon estomac fit un bruit. Pas un grondement. Un avertisse
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Tu vas vivre. Tu vas grandir. Tu vas pleurer. Tu auras peur. Tu te sentiras parfois tellement minable que tu n’oseras pas parler à tes proches de ce vide interminable… mais tu existes. Tu es là. Et si tu le veux, tu marqueras ton présent par ta simple présence. Parfois on t’ignorera, on te blessera. Mais dans les méandres de la peur, tu te relèveras. Tu te battras, toujours plus fort. Et tu iras plus loin que moi. Alors tu feras de moi la personne la plus comblée, quand tu découvriras ce que je cherche encore : la paix. Le silence au milieu des hurlements. Et lorsque tu toucheras ce rêve du bout des doigts, tu pourras te lever, en pleine lumière, et crier pour moi. J’espère que tu comprendras plus tôt que moi que tu es libre. Libre de vivre pour toi, et non pour ce que les autres attendent de toi. Tu comprendras un jour la puissance des mots. Parfois à tes dépens. Car une parole donnée, on ne peut la reprendre. Une personne de confiance, c’est quelqu’un qui mesure le poids de ses mots, et respecte leurs conséquences. Tu verras des gens entrer dans ta vie, puis en sortir. Et tu auras mal. Mal d’avoir donné autant d’énergie pour découvrir que l’être humain, souvent, reste égoïste. Ma
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Un jour, on a demandé à Keanu Reeves ce qu’il y avait après la mort. Il a répondu : « Ceux qui nous aiment vont nous manquer. » Cette phrase m’est restée. Pas pour ce qu’elle dit de la mort, mais pour ce qu’elle révèle de la vie. Ce besoin de croire qu’on laissera quelque chose derrière. Une empreinte. Un vide. Quelqu’un, quelque part, pour qui notre absence aurait un poids. C’est peut-être ça, le moteur. Pas la peur de mourir, mais la peur d’être effacé. La peur que tout ce qu’on est, tout ce qu’on a été, disparaisse sans un écho. Qu’un jour, il n’y ait plus personne pour se souvenir, plus personne pour pleurer. Et pourtant, c’est cette idée-là — celle qu’on puisse manquer à quelqu’un — qui me donne, parfois, la force de continuer. Comme si l’amour des autres pouvait repousser, un instant, le néant. Alors peut-être que le néant, ce n’est pas un lieu. Peut-être que le néant, c’est juste ça : une absence d’amour. Un vide interminable, sans regard posé sur nous, sans voix pour nous nommer. Un silence si profond qu’on en vient à douter d’avoir existé. Mais parfois, au creux de cette obscurité, quelque chose revient. Un souvenir. Une main. Un rire. Et l’écho fragile d’un moment où quel
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Un café chaud. Une attente interminable. Dois-je rester ? Ou courir vers la ruine de mon esprit ? Ce moment délicat, où l’on pousse une porte et notre univers peut changer en une fraction de seconde. Dois-je regarder les notifications de mon téléphone ou attendre, profiter de ce moment d’inexistence, où le bien et le mal, la douleur et la joie sont en parfaite harmonie ? Le fameux calme avant la tempête. Alors… je saute dans le vide ? Je retiens ma respiration. Ma main serre la poignée de ce lieu froid aux murs blancs immaculés, où des personnes parlent une langue inconnue, celle des scientifiques, ceux qui ont étudié les maladies, ceux qui décident peut-être de ton avenir sans te connaître. Ce moment-là… changera ma vie à tout jamais. Alors j’attends. La main sur la poignée. Profitant de cet instant parfait, où mon passé et mon futur s’entrechoquent. Allez. Je saute dans le vide. Je retiens ma respiration. Je ferme les yeux, en pensant à ceux que j’aime, ceux qui font vibrer mon téléphone et me rappellent que je ne suis pas seul.
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Vivre. Vivre cette exaltation où plus rien ne peut nous toucher. Je te pousse à cette révolution intérieure : rien n’est jamais totalement appris. Chaque seconde de ta vie, tu apprendras. Tu apprendras qu’une maison, ce n’est pas des meubles ni des murs, mais ce sont des gens de confiance qui te diront avec amour : « Chérie, la prochaine fois, c’est moi qui fais à manger. » Tu écouteras la sagesse des anciens, et quand tu auras compris, tu pourras enfin dire : « Merde, je m’envole. Laisse-moi vivre mes erreurs en pleine conscience. Je veux me détacher de ton regard et vivre pour moi. » Alors, laisse-moi juste assez de temps pour t’apprendre à rouler face aux erreurs. Quand toi, tu m’apprendras à faire des colliers de perles que je porterai avec fierté sur les chantiers, moi, je t’apprendrai à nouer tes lacets pour ne pas tomber. Évidemment, tu tomberas. Du vélo, des toboggans infernaux. Tu tomberas quand tu voudras courir plus vite que l’éclair, avec tes chaussures « qui courent vite ». Et tu feras comme moi, plus tard : tu compteras tes cicatrices en souvenirs des conseils des anciens. Ceux qui me disaient : « Ne monte pas sur cet arbre, cette branche est mouillée. » Tu apprendras
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Je n’ai jamais aimé les restaurants que pour la nouriture . Non, moi, j’y vais pour observer. Comme si j’avais le super-pouvoir d’être invisible. Assis là, immobile, je regarde l’humain comme un scientifique regarde une cellule rare. Mais avec un peu plus d’âme. Il y avait cette femme. Belle, mais sans l’arrogance. Elle se fichait qu’on la regarde, toute entière absorbée par le regard de sa fille. Une dizaine d’années, peut-être. Divorcée ? En visite ? Retour d’une colo ? Je ne saurai jamais. Mais ça m’a touché. À ma gauche, un vieux couple. Pas bruyants. Pas flashy. Juste là. Ensemble. Un amour tranquille, pas celui qu’on voit dans les films. Mais un respect profond, une tendresse silencieuse. Ça m’a donné une touche d’espoir, comme une bougie dans une pièce froide. Et puis, au fond… Un homme, seul, derrière un ordinateur. Froid, fermé. Un masque ? Agent secret ? Banquier ? Juste un mec qui veut la paix ? Ou peut-être… moi, dans le reflet d’un miroir. Voilà. Cinq minutes dans ma tête. Cinq minutes d’un monde que personne ne voit. Mais que je ressens à chaque battement de paupière.
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— Je pense ? Je dors ? Pourquoi je vois rien ? — Ooooohhh… pourquoi y a autant d’écho ? — Y’a quelqu’un ? — Oui oui, y a quelqu’un. — Aaaargh ! Pourquoi je vous vois pas ? — Ben j’sais pas moi… Ouvrez les yeux, pour commencer. — Quoi ? — J’dis : ouvrez les yeux, parce que c’est quand même chelou de parler à un type debout les paupières soudées… — J’ai peur. — Peur de quoi ? — J’ouvre les yeux et… soit vous êtes ultra moche, soit vous êtes un monstre horrible qui attend juste que je cligne des yeux pour me croquer l’âme… — Aaah… Voilà pourquoi c’est noté “Dossier compliqué” en rouge. — Dossier compliqué ? Je vous permets pas monsieur ! D’abord, vous êtes qui et pourquoi vous êtes dans ma chambre ? — Okaaaay… un drôle d’oiseau, celui-là. Bon écoutez, j’ai une éternité de boulot et pas l’éternité de temps, donc on va compter jusqu’à trois, et vous ouvrez les yeux. Un… deux… trois… — Non. J’ai pas confiance. Je reste là. — Vous… vous restez là ? En plein milieu du passage ? Mais vous savez même pas où vous êtes ! — Justement. Et c’est très bien comme ça. Tant qu’il se passe rien, ben… il se passe rien. — Okay… en fait vous n’êtes pas original, vous êtes juste complètement… (bruit de co
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Roule, roule, petite balle bleue, sur le sol craquelé, parmi les pierres et la poussière chaude. Une petite fille la lance, de toute sa force, avec toute la foi qu’on peut mettre dans un geste. Et alors — les feuilles s’immobilisent, le chat sur la fenêtre suspend son geste, le vent se tait, et le monde tout entier, pour une seconde, retient son souffle. Car parfois, la beauté surgit, sans bruit, dans un éclat simple, au cœur même de l’ordinaire.
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⸻ La folie du désespoir et la mélancolie de l’amour… Il ne restait plus rien de lucide en lui, rien que le souffle d’un cœur éclaté, ballotté entre le besoin de fuir et l’incapacité d’oublier. L’amour avait creusé un abîme — et le désespoir, en silence, s’y était pendu. Alors les jours passaient, comme passe un grain de sable dans un sablier fêlé, lentement, douloureusement, jusqu’à s’arrêter. La beauté de son regard s’était changée en une noirceur terrifiante. Le point de non-retour avait été franchi le jour où il était passé à l’acte : ce choix de ne rien dire, de tout garder pour lui, c’était un homicide — un meurtre sur son propre futur. Il préférait s’enliser là, dans sa peine, plutôt que de changer. Plutôt que d’avoir le courage de dire adieu. L’alcool était la facilité — celle d’apaiser son âme endeuillée, comme un point de sauvegarde dans le tumulte d’une guerre intérieure. Un phare vacillant pour le guider au cœur de l’ouragan de ses émotions. Mais ne jugeons pas un homme naviguant sur des mers de sentiments. Dans ce monde d’ignorance, soyons ce bateau de secours — ceux qui risquent leur vie pour tendre la main à ceux qui, fatigués, n’arrivent plus à nager.
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Mais je t’aime. — Ça ne suffit pas. Je suis là pour toi. — Ça ne suffit pas. J’oublierai ma famille. — Ça ne suffit pas. Je changerai de religion. — Ça ne suffit pas. Je ferai du sport, je m’améliorerai. — Ça ne suffira jamais. Il y a des gens dans ce monde, à qui tu pourrais tout donner — ta voix, ton souffle, ton cœur, et qui n’en feraient rien d’autre qu’un trône pour leur propre vide. Tu te battras, à genoux, pour recoller ta propre lumière. Et d’un simple regard, ils t’éteindront à nouveau. Même si tu croyais avoir vaincu, ils sauront te faire douter. Tu trembleras devant ton reflet, là où plus rien ne ressemble à un retour possible. Alors tu te tairas. Plus un mot. Tu apprendras à sourire sans croire. À tendre la main sans espérer. Tu deviendras spectateur de ta propre chute. Les jours passeront, les visages aussi. Et toi, tu seras là — immobile au milieu du vacarme, comme une statue qu’on a oublié de pleurer. Même ton ombre finira par t’abandonner, car elle aussi aura peur de ce que tu es devenu.
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Je promets solennellement aujourd’hui de combattre le mal par le bien, de voir la pureté de la vérité dans chaque mensonge prononcé, dans chaque regard d’éclat. De voir la lueur d’un espoir, que tout peut changer — même les choses qui nous semblent acquises. Je promets de dire au revoir à nos habitudes de plaintes continuelles, sans voir la joie de chaque sourire. Je promets de comprendre que, finalement, même si on a l’impression d’aller mal, une main sur une épaule, quand on prie sincèrement, peut nous faire ressentir l’espoir de la vie. Je promets d’échanger la colère qui ronge mon cœur par un amour inconditionnel, de clarté. Je promets d’échanger à chaque instant avec le monde la joie de rire dans les ténèbres, et de croire avec certitude que le bien peut régner en maître sur cette avalanche de colère. Je promets, en ce jour, de ne plus succomber à la terreur momentanée. Je promets de servir, et de penser que le meilleur nous arrive — même si la vie peut nous faire croire le contraire. Alors je serai là pour toi, inconnu qui lis ces mots. Je serai là, même si tu ne me connais pas. Quand tu seras dans la pire des torpeurs, tu te souviendras de ces mots : garde l’espoir et vois l
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L’espoir Je lis partout : gardons espoir. C’est un mot magnifique, une promesse discrète. Il prouve qu’on continue à se battre, qu’on suit une ligne invisible, celle qui nous pousse à nous lever chaque matin. Préparer ce café un peu trop amer. Lever les yeux vers le ciel en murmurant une prière. Oui, l’espoir nous rappelle qu’on est vivants, qu’on a encore en nous l’envie de faire le maximum. Peut-être que je ne serai jamais un grand auteur. Peut-être que je resterai à ma place, même au cœur de cette révolution intérieure que je mène en silence. Mais mon espoir à moi, c’est de me lever chaque matin et d’écrire. D’écrire que, oui, ensemble, unis, on y arrivera.
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