
dbanville
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de toujours
Il n’est pas impossible que j’aie toujours désiré aimer. Peut-être parce que cela me rappelle mes premiers pas sur le sable mouillé, râteau à la main, et ce sourire. Vous savez, ce sourire. Celui qui inonde le monde comme un soleil en plein hiver, une caresse brûlante sur un visage transi. Un monde que rien n’aurait pu m’arracher. Le sourire d’un père, d’une épouse aimante... Mais il n’y a rien de plus difficile que d’aimer. Ce n’est pas une crêpe normande flambée au Grand Marnier, non. Ce serait trop simple. Et pourtant, quelque part, cela s’en rapproche : surtout l’arôme – sucré, rassurant. Je vis avec l’arrogance de ceux qui croient qu’aimer va de soi, qu’il s’agit du crime parfait dont on ne se relève qu’après avoir dissous tout ce qu’il y a de nous, avec la sérénité d’un fou. Je dois l’être quelque part. Où ? J’n’en ai encore aucune idée, mais j’m’astreins à découvrir ce pays. J’ai aimé ce sourire. Follement, furieusement… Faut être taré pour y goûter ou drogué, l’un ou l’autre, peut-être même les deux. Parce qu’à présent j’peux pas vivre sans. Fallait-il que j’m’en injecte la première dose ? J’avais rien demandé moi. Moi j’marchais insouciant, les pieds dans l’eau d’abord. Et
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Un écrivain retrouve Marie-France, son amour d’enfance, après un message sur Copains d’Avant. Le temps d’un café, ils revivent leurs souvenirs, mais réalisent qu’ils sont désormais sur des chemins opposés. Elle est ancrée dans une vie rangée, lui dérive encore au gré du vent. Une rencontre éphémère qui ne laisse que l’empreinte de ce qui a été perdu.
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Je rêve d’un comptoir de bar. Il serait assez long. Assez pour qu’on s’y accoude tous. Je rêve d’un monde où l'abandon finirait en fond de verre. Où les solitudes seraient juste des cuites qu’on soigne à coups de coudes. Où une épaule fragile trouverait pas une main qui flanche mais une main qui serre. Qui serre juste assez, sans écraser, sans lâcher. Une main qui sait que le silence gueule parfois plus fort qu’un poivrot. Une main qui reste, même quand la peau en face est glacée, trempée, fatiguée de trop attendre. Mais je rêve, et je le sais. Le monde est une salle d’attente où chacun fixe son numéro. Où chacun fait semblant d’aimer la patience, Où chacun joue les indifférents, empile les regards vides comme d’autres collectionnent les dettes. J’aimerais croire qu’un matin, on foutra ces tickets en l’air. Qu’on sera plus des numéros mais des visages. Qu’on se lèvera ensemble, comme une bande de cabossés qui en ont marre d’attendre. Alors on marchera, pas forcément droit, pas forcément vite, Mais ensemble, vers un endroit qui sentirait moins la nuit. Quelque part qui ressemblerait enfin à une foutue maison. P't'être même à une putain d'famille.
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Faut pas écrire quand on n’a pas de plume pour s’envoler. Faut pas. Faux pas. C’est une chute libre sans parachute, un plongeon dans le vide espérant que le papier amortisse la descente. Mais non. C’est le ravin qui guette, la gueule ouverte comme un chien affamé prêt à bouffer vos restes. Alors ça saigne. Et ça grince. Comme une porte mal huilée à deux heures du mat. Frissons garantis. Peur aussi. Celle de tout perdre ou de se perdre, et dans les deux cas, on finit seul, recroquevillé dans des draps froids, enroulé dans un pourquoi qui n’a nulle part où aller. Enfin, si. Il ira s’écraser sur une feuille. Une feuille qui prendra la teinte d’une nuit sans indulgence. Une nuit carnassière, qui ne se traîne pas sur la pointe des pieds, qui ne feint pas la douceur, qui ne joue pas les ombres effarouchées. Non. Elle s’en fout. À ce moment-là, la seule chose qui l’intéresse, c’est de vous écraser comme une vieille merde. Elle vous rappellera celle qui n’est plus là. Celles qui inondent la boîte aux lettres. Celle avec qui vous n’êtes pas. Celles qui vous éventrent à coups de pourquoi. Alors faudra plus qu’une bougie parfumée. Faudra plus qu’un bain aux sels de rêves. Faudra une amnésie à
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Elle m’avait dit : "promis, juré. Craché". Ça faisait un bail qu’elle crachait. À force, elle aurait pu remplir une mer, mais elle n’a jamais su nager. Moi non plus. Allez savoir pourquoi, j’ai continué d’y croire. Croire, ce n’est pas vivre. C’est juste un dîner parfait pour éviter de mourir. Pas que j’aie peur du voyage, loin de là. Mais avant le grand saut, je veux juste lui dire combien je l’aime. Lui dire que la vie est plus courte qu’une mini-jupe. La sienne, toujours trop courte, prête à rejoindre un trottoir qui ne la connaît que trop bien. Je ne lui en veux même pas. On n’offre pas ce qu’on n’a jamais reçu. Mais voilà. Il est tard sur mes mains. Elles tremblent. Moi aussi. J’ai peur. Peur que les draps m’étouffent, peur que le mauvais vent souffle, peur de monter seule dans le wagon. Peur d’un au revoir que je ne dirai pas. Sait-elle combien je ne respire plus que ses absences ? Au moins elles, elles sont fidèles. Seize années. Si peu, et pourtant déjà trop pour espérer ces mots que je n’attends plus que dans l’étreinte de la folie : Je t’aime, maman. Le silence me répond. J’attends. J’attends un miracle, une faille spatio-temporelle, un bug dans la matrice, n’importe quoi
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On a failli se rentrer dedans. Elle sortait, moi j’entrais. Pourtant, on le sait, on vit en société. On le sait, on n’est pas seuls dans un immeuble. Mais parfois, l’esprit prend des vacances. Il démissionne, il s’absente, il s’évapore. Pendant ce temps, nos corps errent, encombrants, encombrés, bêtement livrés à eux-mêmes. Nos poches vides. Nos existences affamées. Nos égos comme de lourds manteaux, drapés autour de nous, protégeant on ne sait quoi. Du froid ? Du vide ? De la lucidité ? Les portes se sont ouvertes et, d’un coup, mon cœur aussi. Un mètre soixante-dix de grâce et de naturel. Pointure trente-six, pieds au-dessus du sol. Blondeur à mi-cou, terminant quelque part au bord du col de sa chemise. Elle avait l'air d'avoir été envoyée par un comité céleste chargé de briser la routine des halls d’immeuble. Une apparition. On s’est fait peur. Réaction primaire. Mais peur de quoi ? Mystère. Après tout, que peut-il bien jaillir d’un ascenseur, sinon un parfum ? Tantôt suave et envoûtant, tantôt plus agricole. Ici, en l’occurrence, c’était l’odeur de l’inaccessible. Nos corps étaient si proches qu’ils auraient pu se toucher. Une collision était envisageable. Si seulement. Mais le
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Le chien tire, il continue d’avancer. Un choix qu’on ne devrait jamais avoir à faire. D’ailleurs, ce n’est pas un choix. Qui aurait l’outrecuidance de croire que l’on choisit d’avancer ? C’est une injonction. Une mécanique absurde et implacable. Devant lui, la vie persiste dans son manège, inlassable, perpétuel, indifférent. On pourrait la supplier de suspendre son cours, elle n’en aurait cure. La vie est ce convive qui ne remarque pas qu’on ne l’a pas invité. Les trottoirs, eux, observent. Ils ne parlent pas, ou si peu. Juste un murmure, peut-être un soupir. Peut-être un « avance », lancé du bout du pavé, comme une évidence qu’on n’ose pas contredire. Les balcons de fer rouillé surplombent la scène, narquois. Témoins de trop de solitudes, archivistes méticuleux des chagrins anonymes. Ils connaissent par cœur le manège des hommes fatigués, leurs pas traînants, leurs épaules voûtées, ce chien en laisse qui ne demande qu’à courir loin, très loin, hors du cadre. Il marche comme on s’éloigne. Maladroitement. Sans programme. Sans carte. Mais il sait d’où il vient. C’est déjà une forme de luxe. L’air pèse. Même en ce 7 mars. Un air saturé d’années accumulées, d’heures qui s’empilent jusq
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J’écris comme on balance une boîte de cassoulet dans une casserole trop chaude. Sans précaution. Sans conviction. Juste parce qu’il faut bien bouffer. Juste parce que si je le fais pas, j’vais m’retrouver à errer comme un clebs sous la flotte, la queue basse et l’estomac vide. Si faut remplir le ventre, faut surtout remplir l’esprit, faut lui donner à bouffer, à lui aussi. Sinon il s’effondre. Il devient un putain de terrain vague où plus rien ne pousse mais où trop de monde passe. La colère, l’angoisse, la solitude, l’envie d’pleurer aussi timidement qu’un ado comprend qu’il ne jouera plus à Fortnite. Et moi, je veux pas finir comme ça. Pas encore. Moi j'veux jouer. Alors j’mets les doigts sur le clavier et je frappe. Pas parce que j’y crois, non. Parce que j’ai pas d’autre choix. Parce qu’il faut bien qu’on entende ce que j’ai à dire, même si la seule personne qui m'écoute est une page blanche. J’envoie des textes. Partout. À des maisons d’édition qui m’lisent comme on feuillette un flyer trouvé dans l'métro. D’un œil distrait, entre deux gorgées de café tiède, avant de le foutre à la poubelle. Y en a pas un pour me répondre. Pas un seul. Juste le silence. Le même silence qu’on t
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