Aujourd'hui est un joli mot, chronique (03/24)
de
Richard Gildas
C'était il y a longtemps, du temps qu’on n’existait pas ou alors, jeunot et vierge, et d’un âge à grimper aux arbres ou à se rêver au miroir. C’était un jour de givre au mitan des années soixante. Dans le monde, Bokassa et Marcos s’apprêtaient à faire main basse sur deux terres qu’ils allaient, des décennies durant, corrompre, soumettre et saigner à blanc. C’était loin d’ici, dans la savane et de l’autre côté du Pacifique. Dans le même temps, Place Saint-Pierre, ite missa est, les cols blancs proclamaient l’avènement d’une église qui s’entrouvrait au monde et au progrès ; la promesse d’une aube nouvelle pour les uns, opium aux foules pour les autres. L’année avait été frivole avec la victoire d’une poupée de cire et de son, sexy avec l’audace d’André Courrèges, moderne et virile avec l’entrée en piste de la Renault 16. Et quoi d’autre ? Le 14 décembre de l’an 1965, le Général en chef de notre petite France déclarait qu’il était vain de sauter sur sa chaise, comme un cabri, en disant l’Europe, l’Europe, l’Europe… L’époque était aux premiers pas du marché commun agricole qui attablait alors Rome, Berlin, le grand-duché, Bruxelles, Paris et Amsterdam. Six pays et autant de cultures, de peuples et de modes de vie, disait alors le grand Charles. Six décennies sont passées et l’Europe est partout : dans nos tirelires, nos lycées, nos assiettes, nos GPS, du plombier polonais au trader de la City… A croire que les cabris furent nombreux, enthousiastes et plein d’allant, qu’ils ont su y faire pour emboîter les pièces d’un puzzle de ce bel arpent d’un vieux monde à vivre, multiple et richement pluriel. Et voilà qu’à l’orée de ce printemps nouveau, les élections européennes approchent. Tristesse est de constater que l’avenir politique du continent n’est plus appréhendé que sous l’angle intéressé et frileux de pauvres parcelles jalouses. L’enchantement n’est plus. Aux sauts agiles et impatients du jeune cabri se sont substituées la grogne et la fatigue d’un vieil ours mal léché. Qui tourne dans sa cage avec la crainte qu’on lui dérobe son miel. L’année du premier scrutin, on parlait d’avenir, d’envol ; slogans et affiches illuminaient la campagne de sourires radieux d’enfants. 60 % des Français participèrent à la première élection en 1979, année tube avec Born to be alive… Seul Chirac dénotait alors, avec l’extrême droite, en dénonçant une Europe passoire. Aujourd’hui, les slogans sentent le rance, le rabougri et le nationalisme. Seul Glucksmann ose timidement un besoin d’Europe, une envie d’Europe. L’herbe est douce, à Pâques fleuries, chantait Brassens, et légers comme des cabris, courons après les sons de cloches...
Table des matières
Commentaires & Discussions
| Nostalgie du cabri | Chapitre | 0 message |
| Merci Bernard ! | Chapitre | 0 message |
| Auprès de notre arbre | Chapitre | 0 message |
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