LE SILENCE DE MERVEILLE
de
Jean Noé

Merveille avait toujours été une fille discrète. À 18 ans, en classe de première, elle vivait avec sa grande sœur Clarisse, qui l’élevait comme sa propre fille depuis la mort tragique de leurs parents dans un accident de route, cinq ans plus tôt. Clarisse avait tout sacrifié : ses études, sa liberté, ses rêves. Elle avait fini par épouser Jean, un homme de dix ans son aîné, censé leur offrir un avenir plus stable.
Mais la stabilité n’était qu’apparente. Clarisse, traumatisée par le monde extérieur, avait fini par enfermer Merveille dans une bulle de surprotection : pas de sorties, pas d’amis, pas de téléphone tard le soir. Merveille, obéissante, se taisait. Mais au fond, elle étouffait.
C’est au lycée que les choses commencèrent à changer. Noé était nouveau. Calme, drôle, un peu rêveur. Il repéra rapidement Merveille, toujours assise au fond, silencieuse, les yeux baissés. Ce n’est pas elle qui alla vers lui, c’est lui qui vint vers elle.
Ils commencèrent à discuter pendant les pauses, puis à s’échanger des messages. Noé ne forçait jamais rien. Il écoutait. Il comprenait. Il ne jugeait pas. Merveille se sentait vivante avec lui. Elle trichait pour le voir : des prétextes de devoirs à faire chez une amie, des allers-retours rapides après les cours.
Ils s’embrassèrent pour la première fois un soir de pluie, sous un abri-bus désert. « Tu es merveilleuse, Merveille », lui dit-il en souriant. C’était doux, simple, innocent. Un petit bonheur volé à une vie trop fermée.
Mais chez elle, les choses se noircissaient. Jean devenait plus intrusif. Il regardait Merveille d’une façon étrange. Clarisse ne voyait rien : elle travaillait tard, rentrait fatiguée.
Et un soir, tout bascula.
Merveille pleurait dans sa chambre après une dispute avec sa sœur. Jean entra, se montra "gentil", puis brutal. Elle tenta de se débattre. Il la força. Après, il la menaça :
— Tu dis un mot, et je vous fous toutes les deux dehors. Tu me connais, Merveille. Tu sais que je le ferai.
Elle crut mourir ce soir-là. Mais elle garda le silence. Et cela recommença. Une, deux, trois fois. Chaque fois, elle s’éteignait un peu plus.
Elle évita Noé, évita les miroirs, évita la vie. Jusqu’à ce jour où, en classe, elle perdit connaissance.
À l’hôpital, le diagnostic tomba : deux mois de grossesse. Elle pleura sans fin. Quand Noé la retrouva, elle tenta de mentir. Mais il insista. Il l’aimait. Et elle finit par lui dire la vérité.
Noé resta calme. Mais à l’intérieur, il bouillait. Il voulait le tuer. Mais Merveille l’arrêta. « Je t’en supplie, je veux juste vivre… pas d’histoires, pas de scandale… »
Mais le silence devint trop lourd. Une nuit, Clarisse la surprit en larmes dans la salle de bain. Le test de grossesse à la main. Elle insista. Hésitante, terrifiée, Merveille lâcha tout.
Clarisse ne dit rien. Elle resta figée. Puis elle sortit, froide. Le lendemain, elle alla voir une avocate. Elle revint avec des papiers. Elle confronta Jean devant tout le quartier, Merveille et Noé présents. Elle enregistra tout. Elle appela la police.
Jean tenta de fuir. Mais il fut arrêté.
Le procès eut lieu quelques mois plus tard. Grâce au témoignage de Merveille, au soutien de Noé et de Clarisse, Jean fut condamné.
Merveille, elle, choisit de garder l’enfant. Non pas comme un souvenir du mal, mais comme une victoire sur le silence. Elle commença une thérapie. Elle reprit ses études.
Noé resta. Présent, doux, fidèle. Il devint son pilier. Clarisse, elle, changea aussi : plus ouverte, plus à l’écoute, moins dans le contrôle.
Un jour, Merveille dit à sa sœur :
— Ce n’est pas ta faute. Mais aujourd’hui, je vis. Et c’est grâce à toi aussi.
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