LES TRIBULATIONS D'ANNA GRAHAM

de Image de profil de Anna GrahamAnna Graham

Avec le soutien de  Fred Larsen 

Cloîtrée dans ma chambre depuis deux jours. Je ne bouge pas, sauf pour me rendre dans la salle de bain et aux toilettes. Enfoncée dans mon lit sous un tas de couvertures. Je ressemble à une tortue échouée sur une plage. Voilà à quoi s'apparente ma vie depuis mercredi matin. Il fait chaud. Je ne parle pas de la température extérieure qui semble anormalement élevée en cette fin de septembre, mais bien de la fièvre qui m'habite. Parfois, je m'endors. Souvent, je reste éveillée. Je cherche le repos.

Ce n'est pas rare. C'est souvent que tout se fige autour de moi, que le temps s'arrête. Je ne vais jamais contre cet élan. Je sais qu'il est nécessaire. Cela ne dure jamais longtemps, sans lutter, je me laisse tomber. Je m'enroule sur moi-même. La mélancolie l'emporte, elle m'enlace et quand elle me quitte, je sens que ce mal était essentiel.

D'habitude, je pleure. Je pleure tout mon soûl, comme la pauvre Alice, effrayée, à l'étroit, impuissante. Je pleure sans pouvoir m'arrêter, jusqu'à m'endormir d'avoir trop pleuré.

Pourtant là, je ne pleure pas. Je respire, ma poitrine se serre, mon cœur se gorge de chagrin et me brûle.

Je voudrais décrire cette douleur insupportable qui m'enserre la tête, me tourmente et m'assomme. La seule chose qui pourrait me soulager serait l'obscurité. Ici, les nuits noires n'existent pas. Dehors, les lampadaires nous rappellent leurs présences dès que le soleil commence à tirer sa révérence.

Ils s'installent et fabriquent des ombres effrayantes à travers les fenêtres. Quant à moi, cachée sous les couvertures, je tente de fuir de jour comme de nuit la lumière et je maudis l'architecte qui croyant économiser quelques deniers a délibérément omis d'installer les volets.

Petite fille, j'avais peur de cette obscurité que j'espère. Chaque soir, je m’enroulais dans ma couverture afin de ne laisser aucun centimètre de peau dépasser à l'extérieur et ainsi protéger mes nuits, souvent peuplées de cauchemars. Quelques fois, je me réveillais persuadé d'avoir reçu un coup de torchon sur la jambe. Je restais alors pétrifié et trempé, cachée sous mes couvertures.

Aujourd'hui, je crains plus les rêves qui envahissent mes nuits, que l'obscurité. Je les sens, ils m’emmènent loin dans les profondeurs, il me traîne jusqu'au fond. Je dois lutter avec eux, me hisser à leurs hauteurs, quand je me trouve face à eux et que je devine être endormi alors je les attrape, je les pousse. Quelquefois, je suis comme pris au piège à l’intérieur de mon subconscient. Mon corps est figé par la peur, je tente de me mouvoir, de crier, de changer de position, mais rien ne se passe. Alors je me bats, je cherche une échappatoire, un signe, quelques choses à saisir pour sortir de mes cauchemars. Les rêves sont bruyants et incohérents. Il nous percute, parfois nous effraye, mais il cache toujours un message. Lorsque j'arrive à m'en saisir. Je commence par refaire le chemin emprunté, puis pas à pas, j'analyse chaque scène, chaque détail du rêve.

Morphée me jeta dehors à trois heures du matin. Notre histoire semblait pourtant sur la bonne voie. Un incipit parfait. Le sommeil me gagna sur les coups de vingt-deux heures, juste après la lecture du soir. Marchant dans un couloir sans fin tapissée de coton. Un chat blanc m'expose les différentes Vision du Monde que je peux trouver sur mon chemin. Sans scrupule, il disparaît. Je reste seule face à un nombre incalculable de portes à ouvrir sans savoir ce que je dois faire. Ouvrir chaque porte ou n'en ouvrir qu'une. Sans réfléchir, je pousse la première porte. La pièce baigne dans l'obscurité. Je vois grâce à la lumière de l’extérieur, un marche-pied placé au milieu. Il y a un homme à l'intérieur, grand, des yeux lumineux comme le soleil. Je m'avance vers lui. Je me trouve apparemment dans une cuisine. Je monte sur le marche-pied et je lui demande s'il peut attraper le livre au-dessus de la hotte pour moi. Il me sourit, puis soudain, il disparaît. Je ne comprends pas, je recule, je trébuche, je manque de tomber. Je sors de la pièce et face aux murs exsangues de cet endroit, ma main s'empare de la poignée et referme aussitôt la porte. C'est à ce moment précis que Morphée m'attrapa le bras et le serra si fort qu'il en devint rouge. Et en l'espace d'une minute à peine, elle me jeta dehors en invoquant une infraction et un non-respect de la consigne. Le bras encore douloureux de son intrusion. J'ouvris avec difficulté les yeux.

À présent assise à la table d'un restaurant, j'entends des coups de feu. Le chat blanc allongé sur le sol, semble paisible. Je pense que je vais mourir. Habillés de noir, masqués et armés jusqu’aux dents, les asseyant, rentre dans le restaurant. L’un d’eux crie : « Le premier qui bouge, je le descends. » Je jette un œil vers la porte de derrière. Je pense que je peux tenter de m’y engouffrer. Je glisse doucement du tabouret et mon corps semble savoir ce qu'il doit faire. Quand j'arrive près de l’issue de secours, les coups de feu commencent à pleuvoir. Je reste immobile et mes chances de sortir vivante de ce calvaire diminue à mesure que le temps avance. Soudain, je prends mon téléphone pour filmer la scène. Et cette femme, qui ressemble à mon arrière-grand-mère maternelle, me regarde droit dans les yeux et prononce avec une froideur inébranlable « Toi, tu es morte. » Elle lève son revolver vers moi puis tire. La petite fille sort de nulle part. Elle se pose devant moi. La balle vient se loger dans sa poitrine et son corps retombe contre le mien. Je la prends dans mes bras et je lui dis : « Pardonne-moi. » Au fond du restaurant, l'homme est là, il m'observe à travers la lucarne de la cuisine.

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