Aujoud'hui est un joli mot, chronique (10/24)

Aimer que les arbres se mettent à nu, que les fossés se gargarisent et que les nuages prennent le dessus. Aimer apercevoir les garennes au temps des châtaignes et des mousserons, savoir le temps venu de la flamboyance en forêt, de l’herbe matinale qui perle et du repos de la terre qui se laisse aller sous les premières lunes froides. Aimer se glisser dans ce manteau de pluie, pareillement à ces autres temps de l’année où successivement, on se laisse engourdir par un mercure sous sa ligne de flottaison, où l’on s’éveille comme aux premiers matins du monde et où, premier solstice, on se dépiaute le corps et l’esprit, légers, à la traîne des jours, qui un rosé frais, qui un bain de minuit, lorsque le ciel est aux étoiles qui filent. Aimer les saisons parce qu’on aime goûter les fruits ou légumes l’un après l’autre, polis qu’ils auront été par le soleil et la pluie nécessaires à leur avènement, le marron grillé, le radis rose, la cerise burlat ou encore le petit rose des champs. Aimer les saisons pour parer notre humeur, une fois l’enrôler de laine, une autre l’attifer de ce qui lui plaît, gilet jaune, bonhomme des neiges, marcel aux champs ou chapeaux de pailles et pieds nus dans le sable, le soir ou le tendre d’une pelouse. Aimer cela à la condition que… Que rien ne brusque ! Que les choses soient ainsi que dans la comptine... Quelle heure est-il, madame Persil, sept heures et quart, Madame Placard, en êtes-vous sûre, Madame Chaussure, évidemment, Madame Piment… Las, il n’en est plus rien. Ainsi une fois encore, ce dimanche 27 octobre où les horloges rétrogradèrent, d’un coup d’un seul, de soixante minutes, nous plongeant brusquement dans cette heure d’hiver où, du jour au lendemain, il fait nuit, il fait novembre, il fait triste et blues. Bientôt cinquante années qu’invariablement s’opère ce changement ! C’est une nuit où, comme à l’ordinaire, on se couche comme on a fait son lit. Que fait-on de ce rabiot de temps qui nous est donné sans que nous l’ayons demandé ? On rêve à un lendemain qui chanterait, on boit au temps qu’on ne rattrapera plus, on se cabane sous la couette dans la position du fœtus avec une pensée fugace pour les pauvres bougres de Gaza, Beyrouth, Kiev et tous ces ailleurs où nous ne sommes pas, on ronfle, on grince des dents, on tourne et vire, on se blottit contre l’autre, on embrasse, on s’épuise, on récupère, on cauchemarde, on s’éveille en sursaut, on se refait le film, on ferme les yeux, on oublie, on dort. Cette heure d’hiver, on s’y est habitué, vaille que vaille. Pourtant, cette année, n’est-elle pas plus violente cette poussée dans le dos qui nous plante là, dans le vestibule de l’hiver, avec ses piques, son crachin et ses fantômes ? Notre monde, déjà engouffré qu’il était dans un tunnel noir comme suie, suffisait à notre peine. Il n’était nul besoin, en plus, de forcer le pauvre soleil à aller se coucher une heure plus tôt. Alors, de guerre lasse, on fredonne ce petit vers de poésie - si vitale en ces jours comme des nuits : que le soleil ou que la lune, tout simplement dans le matin, tout simplement quelqu’un l’allume, tout simplement quelqu’un l’éteint…

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