Aujourd'hui est un joli mot, chronique (07/24)
Dehors, un ciel de coton imbibé recouvre tout cela. Les chiens sans collier, les prairies aux verts diaprés, le gris des tours, le cri et la tourbe, le rire et les croix. Quelque part, une enfant regarde ce ciel, ferme les yeux, tend les bras et tourne, tourne de plus en plus vite. Elle est toupie qui vibrionne et elle étourdira ce monde grand. Ne rien dire, surtout. Se taire, juste. Juste se taire. Précieusement, ne pas laisser s’envoler les images secrètes, ni les pensées douces, et pas les reines et les fées, et pas les championnes et les ballerines. Pas toutes celles qui l’habitent et lui murmurent que la vie est une danse. Des fois, le vent se lève. Il l’entraîne de plus belle et alors elle ne sait pas, ne sait plus : qui du vent ou de la nuit est le plus désirable… Qui susurre les plus belles promesses ? Dehors, le ciel s’est caché et seules les étoiles assurent que nous ne sommes pas à découvert, à la merci d’un grand rien. Quelque part, un oiseau s’est replié dans la croisée d’une ramure. A quoi bon, pense-t-il à cette heure où les louves ont terrassé les chiennes. A quoi bon obéir à l’injonction du levant qui, aux premières heures de mars, donne le la ? A quoi bon siffler pour ce monde qui braille, qui hurle et qui ne supporte plus l’écoute du temps qui fuite, douloureusement vite. A quoi bon. Mieux vaudrait se taire. Ne plus chanter. Se taire, juste. Juste se taire. Au moins un jour, une heure. Pour qu’ici-bas, une petite fois, les hommes se souviennent que le ciel est vide, qu’ils sont seuls, amibes qu’on aurait oubliées là pour une éternité de siècle des siècles. Leur faire silence pour que plus rien ne soit entre les cieux et leur voix perdue. Que toute fuite soit empêchée. L’oiseau le sait : ils ont tort ces drôles qui s’agitent ainsi comme des fourmis affairées ; il leur faudrait vivre pleinement, avec le beau, le grand, l’infini mais aussi le vide, la douleur et le sans. Dehors, le ciel bleu est crayonné de lignes blanches. Quelque part, des hommes regardent un chemin de terre.. Autre. Leur vie est autre à ce qu’ils espéraient lorsqu’enfants ils regardaient leurs pères s’essuyer le front, relever les manches et sourire, sûrs d’eux. Ils les pensaient alors immortels et l’histoire leur a donné raison. Il leur suffit de si peu pour entendre son souffle, reconnaître la ride qui raturait son front et qui, ce soir, poursuit sa lignée au coin de leur œil qui perle.
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