Mercy Pauper
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Défi
Envie, Gourmandise, Colère, Luxure, Paresse, Avarice/Avidité et enfin Orgueil, les Sept règnent sans partage dans le cœur de l’Homme. Notre siècle et les valeurs ultra-libérales qui le caractérise, sont une vraie caricature de l’emprise des Sept sur notre espèce.
Tout dans notre monde, est objet de spéculation monétaire et être membre de la caste qui contrôle cette valeur virtuelle, c’est être puissant, être investi du Pouvoir et d’un droit sur tout. Cette grandeur qu’apporte le Pouvoir que détient la strate supérieure, écrase depuis la naissance des premières civilisations, les plus faibles, mais aussi la notion de solidarité au sein de notre espèce; Une notion qui avait pourtant permis sa survie à des époques farouches.
Les faiblesses humaines primordiales sommairement décrite par la bible comme les 7 péchés capitaux, théorisés par Binsfeldius comme étant des démons qui hantent le cœur des Hommes, accentuent cette soif de pouvoir sur son prochain. Pourtant, au-delà d’un discours théologique manichéen, détenir le Pouvoir, c’est avant tout, le détenir sur et au détriment d’une autre personne. Dans cette grandeur supposée qu’il confère à celui qui a ses faveurs, ce profile aussi la décadence de nos systèmes d’organisation sociale et une menace de la survie de notre espèce. Car ce Pouvoir que possède ces quelques uns, ils l’exercent sur tout: la masse de leurs congénères, mais aussi sur notre habitat naturel et tout ce qui la compose. La soif de Pouvoir est insidieuse. Ces « démons » qui résident dans nos cœurs en savonnent généreusement les parois pour lui faciliter le travail. Mais le Pouvoir fait un mauvais amant, car il se comporte en ogre qui, lorsqu’il se lasse de sa proie, ne laisse derrière lui qu’un champ de ruine. Des civilisations s’étant montrées trop avides, avaient finies calcinées.
On mesure la grandeur d’une nation à son hégémonie dans le monde; mais aussi, à sa capacité d’être fidèle à ces institutions et à ses valeurs intrinsèques. Pourtant beaucoup, à l’image des humains, se laissent corrompre jusqu’au cœur de ses symboles fondateurs pour parvenir à cette hégémonie, car la séduction est la raison d’être du Pouvoir. Certaines personnes se sont laissées consumées par son charme.
Il est pourtant de notoriété publique que l’orgueil précédait toujours la chute et rien ne semblait y échapper.
Mais la vrai question est: Que feriez-vous à leurs places? Agiriez-vous autrement?
Un mansarde qui avait assisté à quelques relations de l’ultime Séducteur et ses cibles, raconte le partenariat redoutable de ce dernier et des Sept.
Tout dans notre monde, est objet de spéculation monétaire et être membre de la caste qui contrôle cette valeur virtuelle, c’est être puissant, être investi du Pouvoir et d’un droit sur tout. Cette grandeur qu’apporte le Pouvoir que détient la strate supérieure, écrase depuis la naissance des premières civilisations, les plus faibles, mais aussi la notion de solidarité au sein de notre espèce; Une notion qui avait pourtant permis sa survie à des époques farouches.
Les faiblesses humaines primordiales sommairement décrite par la bible comme les 7 péchés capitaux, théorisés par Binsfeldius comme étant des démons qui hantent le cœur des Hommes, accentuent cette soif de pouvoir sur son prochain. Pourtant, au-delà d’un discours théologique manichéen, détenir le Pouvoir, c’est avant tout, le détenir sur et au détriment d’une autre personne. Dans cette grandeur supposée qu’il confère à celui qui a ses faveurs, ce profile aussi la décadence de nos systèmes d’organisation sociale et une menace de la survie de notre espèce. Car ce Pouvoir que possède ces quelques uns, ils l’exercent sur tout: la masse de leurs congénères, mais aussi sur notre habitat naturel et tout ce qui la compose. La soif de Pouvoir est insidieuse. Ces « démons » qui résident dans nos cœurs en savonnent généreusement les parois pour lui faciliter le travail. Mais le Pouvoir fait un mauvais amant, car il se comporte en ogre qui, lorsqu’il se lasse de sa proie, ne laisse derrière lui qu’un champ de ruine. Des civilisations s’étant montrées trop avides, avaient finies calcinées.
On mesure la grandeur d’une nation à son hégémonie dans le monde; mais aussi, à sa capacité d’être fidèle à ces institutions et à ses valeurs intrinsèques. Pourtant beaucoup, à l’image des humains, se laissent corrompre jusqu’au cœur de ses symboles fondateurs pour parvenir à cette hégémonie, car la séduction est la raison d’être du Pouvoir. Certaines personnes se sont laissées consumées par son charme.
Il est pourtant de notoriété publique que l’orgueil précédait toujours la chute et rien ne semblait y échapper.
Mais la vrai question est: Que feriez-vous à leurs places? Agiriez-vous autrement?
Un mansarde qui avait assisté à quelques relations de l’ultime Séducteur et ses cibles, raconte le partenariat redoutable de ce dernier et des Sept.
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Karine faisait sa première ronde de la nuit dans l’hospice en sirotant son infect café pris au distributeur. La « Maison du dernier repos », c’était le modeste nom que le cynique propriétaire de ce mouroir privé avait élégamment choisi pour le domaine.
-A croire qu’il comptait vivre éternellement le bougre! Se disait la femme en manquant de s’étrangler avec son horrible mixture.
Elle repensa à M.Faucheur qu’elle et ses collègues surnommaient dans le dos affectueusement « M.Croquemort ». Quel disparition stupide et banale que de glisser à la sortie de sa baignoire. Ce qui l’était peut-être moins, ce fut le cadavre de la prostituée à peine majeure qui gisait au niveau de son entre-jambes, assommée par le poids du bonhomme à sa découverte. Le personnage ne lui inspirant que peu de sympathie de son vivant, son trépas ne l’affectait donc que dans une moindre mesure.
-Tout de même, la vie est une chose bien étrange... un jour on gueulait sur ses employés en les menaçant de licenciement, on faisait des avances indécentes à la gente des jeunes employées tout en ne distillant que du mépris à l’égard de ses pensionnaires et le lendemain, on se retrouvait raide mort, les fesses à l’air comme au premier jour! La pensée fit frémir Karine.
-N’y avait-il pas un peu plus à la vie qu’un quotidien monotone et une mort banalement stupide?
Elle ouvrit avec précaution la porte de M. Dupont, ses gongs auraient besoin d’une bonne dose d’huile, tant elle grinçait jusqu’au bout du couloir. Ce dernier ronflait paisiblement en marmonnant de temps à autre le prénom « Marie », sa défunte femme, une gentille vieille dame qui aimait beaucoup que Karine lui raconte ce que les plus jeunes faisaient de nos jours pour passer le temps. Refermant doucement, elle vérifia ensuite une par une les chambres des autres pensionnaires sous sa responsabilité pour la nuit. En arrivant dans celle de mamie Berta (c’est comme cela que la pensionnaire aimait se faire appeler), elle constata que sa lampe de chevet était encore allumée. Cette dernière essayait vainement de déchiffrer ce qui ressemblait à un courrier. Malheureusement, le voile de cataracte qui couvrait généreusement la cornée de la vieille dame la rendait quasi-totalement aveugle. Elle subit quelques opérations de chirurgie pour l’en débarrasser, mais la pathologie se montrait très récalcitrante, au grand dam de mamie Berta, cette amatrice de journaux, de polars, et des lettres de ses petits-enfants.
-Mamie Berta! Vous ne dormez toujours pas?! Vous allez aggraver votre mauvaise vue si vous continuez à lire avec si peu d’éclairage! Pourquoi n’avez-vous pas demandé à un membre du personnel? Vous savez bien qu’on adore vous faire la lecture!
-Oh Karine, c’est vous? Je ne voulais pas vous déranger. Je sais que vous allez être très occupée...
-Ne vous faites pas de soucis pour ça! A cette heure-ci, la plupart des pensionnaires sont déjà tous endormis. En plus je meurs d’envie de savoir ce que deviennent Céline et Christophe. Ce sont vraiment de gentils petits-enfants que vous avez-là! Vous pensez qu’ils passeront vous voir bientôt?
-Comme vous devez vous en douter, les jeunes sont très occupés à vivre des aventures et rêver leurs vies! C’est tout à fait normal qu’il n’aient pas le temps de rendre visite à une vieille relique du siècle passé. Je ne m’en offusque pas, je suis même ravie qu’ils pensent à m’écrire de temps en temps!
-C’est vrai, mais les votre vous aiment beaucoup vous savez, je suis sure qu’aussi palpitantes soient leurs aventures, ils viendront vous en raconter quelques unes de vive voix!
-Ma foi, vous avez peut-être raison! En attendant, Céline m’écrit de temps en temps. Hier, j’ai reçu cette lettre d’elle. La vieille dame tendit les pages à Karine.
Céline avait une belle orthographe, mais qu’est-ce que c’était minuscule! Comment Berta comptait-elle déchiffrer cette lettre avec sa cataracte avancée si elle-même devait sortir ses lunettes de vue pour la lire!
L’air glacée de l’hiver se frayait insidieusement un chemin à travers l’interstice de la porte qui donnait sur le balcon. Mamie Berta en frissonnant légèrement, l’auxiliaire de vie entreprit de boucher le passage avec un vieux drap qui trainait dans l’armoire.
-Il faudra qu’on fasse quelque chose pour cette porte... dit Karine avant de commencer sa lecture à la vieille dame.
Coucou mamie Berta!
J’espère que tu vas bien! Je sais que tu as quelques petits soucis de santé, mais il va de soi que ce n’est rien qui puisse t’abattre! Papa n’arrête pas de me le répéter quand on parle de toi. Il dit toujours: « tu sais, ta mamie Berta est une vraie force de la nature, elle nous enterrera tous! ». J’espère qu’il a raison, tu m’as tellement appris et tu as encore tant à nous apporter avec toutes ces décennies vécues! Je profite de cette petite lettre pour t’annoncer une grande nouvelle: Je suis enceinte! C’est un embryon de quatre semaines, mais j’ai le pressentiment que ce sera une fille! La nouvelle m’a assez bouleversée...Tu sais comment je suis, tête en l’air, un tantinet nombriliste et indifférente à l’espèce humaine, pourtant je vis cette aventure comme une révélation. Ma conviction du sexe de mon futur enfant me pousse à m’interroger plus que jamais sur notre condition de femme. Le désir impérieux de partager mes impressions avec toi me tenaillait depuis quelques temps, toi qui as dû observer des premiers rangs, l’évolution du statut de la femme au sein de la société.
Beaucoup de changements se profilent encore à l’horizon et des choses que même moi, l’éternel pessimiste, pensais immuables et indéfectibles, se retrouvent pointées du doigt. L’Omerta sur les viols et l’objectification des actrices à Hollywood sont très fortement ébranlées à l’Ouest, les Femens mènent une guerre « sextrémiste » dans l’ancien bloc soviétique, une femme devient Imam dans une mosquée à Copenhague et prône le « féminisme islamique »! Pour beaucoup, cela sonnerait presque comme une farce ou une blague de très mauvais goût! Je dois avouer que les deux termes retentissent à mes oreilles comme un oxymore, quand on pense à la place de la femme dans l’Islam fondamentaliste. Puis après réflexion, au temps où tu me lisais la bible enfant, comme te le faisais ta propre mère, je me suis souvenue de toutes les contraintes dont les femmes Israélites écopaient du fait de leur genre. Je me rappelle avoir haï ma condition et m’être interrogée sur le pouvoir qu’aurait pu avoir mon frère sur moi si nous étions tous les deux né.e.s ne serais-ce qu’un siècle plus tôt, dans une communauté différente, un pouvoir qu’il aurait acquis dès le ventre de notre mère, du fait de sa descente testiculaire. Aujourd’hui, je pense à ce petit être qui grandit en moi et les bouleversements en cours qui poussent à l’équilibre des forces me fait espérer malgré moi. Peut-être que le monde qui la verra grandir respectera un peu plus le fait qu’elle soit porteuse d’ovaires. Peut-être pourront-ils la voir irrévocablement comme l’égale de l’homme... Mais il est très dur de changer les mentalités. Le corps de Simone VEIL repose déjà depuis quelques mois dans sa sépulture, mais ses détracteurs lui garde toujours rancune. Son intention était d’octroyer le droit du choix à la gente féminine, mais il faut croire qu’enfermer ces demoiselles, loin des mâles jusqu’à l’obtention de leurs diplômes et ne les sortir périodiquement qu’à certaines saisons des amours dans l’unique but de procréer, devrait constituer la seule alternative à considérer.
Dans un registre proche, même moi, en voyant les photos des Femens en première page du journal Libération, seins nues, protestants à genoux sur la place du Vatican, je ne pût m’empêcher de me dire: « ça c’est de la pornographie gratuite pour tous les lecteurs du quotidien ce matin! Elles n’ont pas peur d’être des cibles de viols?». Pourtant, j’éprouve un certain respect, voire même une certaine admiration pour ces femmes qui font de leurs corps, une plateforme de revendication de leur condition.
Les mentalités changent cependant, c’est indéniable. Quel fut mon enchantement lorsque le groupe Disney se mit enfin, à produire des animations telles que « rebelle », une princesse qui rachetait sa liberté et son droit à être une fille « capable », en défiant ses prétendants dans une épreuve de tir à l’arc. Ils admettent enfin la figure de la femme forte et indépendante, n’étant pas constamment associée à celle de la sorcière ou à la reine maléfique. Il était temps de faire le deuil des représentations de princesses soumises et soupirantes à un beau prince qui viendrait les libérer de leurs donjons ou plus consternantes encore, de celles qui ne se « réveillent », ne prennent vie en tant que femmes qu’après le doux baiser de leurs princes. Il était grand temps de tordre le cou à ce cliché entêtant:
Une femme rencontre un homme, renonce à son nom et à son intégrité physique par amour (ou par impératif biologique et social) ou tout simplement, par obéissance à « l’ordre des choses », subordonnant son être et sa volonté à celui-ci. Et puis d’abord, qu’est-ce que « l’ordre des choses »? Un concept si vague et infondé que la plupart du temps, personne ne sait vraiment l’expliquer. Pourtant, le modèle classique de « fille rencontre garçon », jouant amoureusement à « un, deux, trois, soleil! » à travers les âges, nous collent durement à la peau. Certaines vivent, élèvent leurs enfants et meurent en ne reconnaissant que ce modèle comme étant le seul fiable. Les sociétés ont profondément mutées, les rôles que les usages anciens avaient attribués aux deux genres se sont bel et bien confondues. Nos conceptions de ces rôles doivent donc s’y adapter.
Tu dois sûrement te demander pourquoi j’utilise des points dans des verbes qui suivent des pronoms masculins et féminins employé.e.s dans la même phrase? Pourquoi « ils et elles » au lieu de « ils » tout court, alors qu’un groupe de femmes est désigné mais parce qu’il y a un petit garçon au sein d’elles, je dois y référer comme « ils » au lieu de « il et elles » comme le souhaite notre bonne vieille langue française? C’est l’écriture inclusive, une initiative rendue quelque peu légitime par le secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre hommes et femmes. Leur intention étant d’harmoniser cette orthographe possédant une morphologie multiple et instable. Ces promoteurs ne s’accordant pas toujours sur une forme unique et le sujet de l’égalité soudain brûlante auprès de l’opinion publique, poussait à agir. Je ne doute pourtant pas un instant du dessein commun de défaire cette subordination automatique du féminin au masculin qui s’est insinué jusque dans le langage entre autres choses. A défaut de parvenir à une égalité parfaite de la rémunération des deux genres pour un travail égal, quoi de plus fondamental que de semer l’idée de l’égalité des sexes dans la langue, l’outil premier de communication entre les citoyen.ne.s? Quel soulagement de savoir ma petite rose ne sera plus reléguée au second rang jusque dans les mots. Enfin, ce serait seulement dans l’hypothèse où l’initiative se généraliserait, grâce à la générosité peu probable de ses négationnistes. Car crois-moi, même sans y avoir assisté, je suis persuadée que sa suggestion a dû entortiller quelques moustaches chez les académiciens! C’est un style que j’apprends moi-même avec difficulté, mais Rome ne s’est pas faite en un jour, dit-on. Il faut bien se lancer à un moment!
Alors oui, la conviction que cet enfant en devenir pourrait voir ses ovaires ne pas se muer en testicules, ce profond sentiment d’appartenance au clan féminin me poussent à t’écrire ses mots, pour exprimer à quel point mes yeux se sont ouverts et que je souhaiterais qui le restent. Pour partager cette vision avec les sœurs qui m’ont précédées ici-bas et celles qui attendent d’y être projetées. De nous convaincre que fermer les yeux sur les actes, même anodins qui nous discriminent, perpétue la conception manifeste de « subordonnées des hommes » et estompe la réalité, celle qui fait de nous une entité à part entière.
J’ai hâte de passer te voir pour que tu me racontes ton expérience de femme; je voudrais être capable de faire voir à ma petite rose, le chemin que nous avons parcouru pour qu’en temps venu, elle puisse prendre la mesure de ce qu’il nous reste à faire.
Ta petite Céline.
Un petit moment de silence s’installa entre les deux femmes. Mamie Berta essayait tant bien que mal de se rappeler ce qui lui avait inspiré la lecture du Lévitique à une fillette de dix ans soucieuse par nature. Puis elle repensa à tous ces moments où elle avait pu véhiculer sans réfléchir les clichés mentionnés dans la lettre malgré ses propres convictions émancipatrices de la femme. Elle était déjà mère depuis longtemps lorsque le printemps 68 survint, mais cela ne l’empêcha pas de hurler aussi fort que les étudiants et les jeunes travailleurs qui s’opposaient au système préétabli, les guerres injustifiées et au maintien de la femme au rang de citoyenne de seconde classe. Elle n’avait jamais été à la tête d’un groupe d’amazones révolutionnaires, mais il fût un temps où son petit club de lecture donnait quelques idées d’autonomie et d’autodétermination à certaines. Aujourd’hui la confusion et l’isolement de la vieillesse l’avaient un peu privé de sa voix, mais elle se promit de faire parvenir quelques phrases bien inspirées à Céline.
Karine quant à elle, méditait les mots qu’elle venait de lire. Où se trouvait-elle lorsque tout ceci se produisait? Probablement à repasser et à amidonner le col des chemises de son mari. Elle l’aimait tendrement cela dit, mais ce travail, Karine l’avait acceptée à contrecœur pour lui permettre d’évoluer dans son activité et demander une mutation. Onze années et deux enfants plus tard, ils en étaient toujours au même point.
-Vous allez bien Karine? Demanda soudain mamie Berta en n’entendant plus la jeune femme pendant cette période de flottement.
-Oui, oui mamie Berta. Ça va, je somnole un peu, j’ai besoin de café pour me remettre d’aplomb! Prétexta-elle pour sortir de la chambre. -Dormez maintenant, on pourra rédiger ensemble une réponse à Céline demain ou dans la semaine... d’accord?
-Bien sûr! Soyez courageuse, les heures filent, vous aurez vite fait de débaucher!
Mamie Berta glissa la lettre dans un tiroir de sa commode et éteignit sa lampe pour à son tour, s’endormir, laissant Karine à ses nouvelles questions.
Cette nuit-là fût longue et pleine d’introspections pour notre brave auxiliaire de vie. Les dizaines de nuits qui suivirent n’en furent pas pour autant dépourvues. C’était comme si cette lettre avait brisé la boîte de Pandore cachée au fond d’elle, une amphore où elle prit soin depuis bien longtemps, d’enfermer un certain nombres de vœux qui auraient pu faire d’elle aujourd’hui, quelqu’un de tout à fait différent. Cupidon avait probablement fait preuve d’un excès de zèle en décochant ses flèches un poil trop tôt.
Le café à la Maison du dernier repos restait abominable, les chambres étaient toujours aussi mal isolées, la cataracte de mamie Berta s’épaississait au rythme de la vie d’un éphémère, mais Karine changeait. Le voile qui couvrait son regard quant à ses choix et leurs raisons d’être, se levait à mesure de ses nouvelles lectures et que les branches du grand figuier dans la cour se revêtait sereinement de sa parure printanière.
En rentrant un soir après un horaire de jour, Karine observa un court instant son tendre mari vautré dans le canapé à se gaver de chips au goût poulet devant un match de première ligue, Paris Saint-Germain contre l’Olympique de Marseille.
-Coucou chérie, comment s’est passé ta journée? Demanda son mari en se rendant compte de la présence de sa tendre et douce.
-Bien, je suis juste un peu fatiguée. Et toi? Tu te détends un peu devant la télé à ce que je vois, lui répondit-elle en lui caressant légèrement les mèches de cheveux au sommet du crâne.
-Chérie, c’est « Ze Match » de la saison! Au fait, il y a quelques potes qui arrivent dans une trentaine de minutes pour la mi-temps et on a plus de bière. Est-ce que tu peux être mignonne et aller en chercher, avec quelques amuse-gueules s’il te plait? J’ai fini le paquet de chips...
Karine allait répondre à l’affirmative, lorsqu’elle se vit, sous les traits de sa propre mère, en train de dorloter son homme, au point d’en devenir son essuie-pieds. Julien n’était pas son père, elle le savait bien. Mais quelque chose commençait maintenant à la terrifier dans son propre comportement. Comme si les concessions auxquelles elle avait consenti pour rester auprès de lui annihilait depuis quelques temps déjà, à son insu, la personne qui sommeillait en elle et que cette docilité grandissante la tuait un peu plus chaque jour. Combien de temps encore allait-elle s’enfermer dans ce rôle? Plus effrayante pensée encore, est-ce le modèle qu’elle souhaitait transmettre à sa fille?
-Chérie?
-Oui julien, je suis là. Mais je voudrais que tu ailles toi-même faire cette course. Je suis fatiguée et j’ai très mal au dos. Je vais prendre un bain chaud et aller au lit. Une longue journée m’attend demain, lui lança-t’elle, sans se retourner. Après tout, ses jambes étaient très aptes à se rendre au supermarché du coin.
La chaleur s’était bien installé cette semaine-là. Les hirondelles s’en revenaient faire leurs nids dans les branches à présent bien touffues, des arbres du parc voisin. Parfois, des soirs comme celui-ci, l’on pouvait distinctement entendre le chant des grillons dans les hautes herbes en dessous de sa fenêtre. Ce soir-là, ce chant fut plus agréable encore aux oreilles qu’à l’accoutumée. Ce grésillement avait des accents libérateurs et la brise propageait dans sa chambre à coucher, un parfum printanier qui l’incita à se saisir d’un bloc-notes et d’un stylo pour graver quelques pensées:
Ma chère fille,
Tu es mon aînée et sache que je t’aime très fort, même si je ne te le dis jamais. Ce soir est un grand soir, c’est aujourd’hui que les choses changeront. Des mots lus à une vieille dame il y a quelques temps, m’ont lentement ouvert les yeux sur des mouvements qui secouent notre monde depuis des lustres. Un bras de fer parfois silencieux, parfois emprunt de violences oppose deux genres, dit-on, fait l’un pour l’autre, mais traditionnellement vus comme inégaux. Je t’ai donné naissance il y a maintenant dix années, tu es bien une part de moi. Pourtant au-delà du lien de sang, nous sommes unies par notre appartenance à la gente féminine.
Faire des coudes pour s’inclure dans nos sociétés comme un genre susceptible d’indépendance face au sexe « fort » est bien loin d’être une mince affaire. Comment s’affirmer lorsque les codes, le langage, les exigences que nous créons nous-mêmes et l’éducation nous enserrent comme des étaux? J’ai moi-même, dû renoncer à beaucoup de choses pour être le soutien de ton père. Ne te méprends pas, je l’aime tendrement et suis comblée de vous avoir eu avec lui. Seulement, il est possible que j’ai dû faire des concessions pour que l’on arrive au résultat que tu connais. Un certain nombre de possibilités qui s’offraient à moi, se sont effacées avec les années, à mesure que mes choix me guidait vers ma vie actuelle, des choix ignorants la modification du paysage relationnel des genres. Car il faut que tu le sache, ma chérie, nous ne sommes pas tenues d’exécuter les moindres désirs de nos partenaires pour nous sentir valorisées, nous ne sommes pas contraintes de vivre dans leurs ombres. Nous disposons aussi d’un libre arbitre et des mêmes droits et nous devons nous en saisir et l’exercer. La vigueur de la jeunesse est une chose bien volatile, il serait dommage pour toi d’y renoncer trop tôt.
Beaucoup de droits nous ont été restitués au fil des générations, grâces aux mouvements d’émancipation de la femme à travers le temps et l’espace: notre droit de vote émergea au milieu du siècle dernier, l’étude de l’histoire des femmes en tant que groupe social naquît en 1970 et le mouvement féministe s’intensifia face à la volonté opposée de nous enfermer dans le rôle désuet que la tradition nous avait assigné. En 1975, le contrôle sur notre corps nous est rendu. Bien sûr, toutes ces choses ne sont pas acquises pour chaque citoyenne de notre monde; mais la lutte continue sous diverses formes et différents cieux. Les Iraniennes ôtent leurs voiles pour protester contre son port obligatoire, les Indiennes disent non aux viols ignorés de leurs fillettes, les Togolaises font une « grève du sexe » pour obliger les hommes à s’investir dans des mouvements d’opposition à un régime cinquantenaire.
Les langues se délient et la colère trop longtemps sourde, gronde avec des voix clairement audibles au sein de la multiplicité communautaire de nôtre horde et le message est unique: la femme-ombre de l’homme, la femme-objet de son plaisir doit mourir pour laisser place à la femme-individu.
Tu sais ce que c’est que l’écriture inclusive? Je n’en ai pris connaissance qu’il y a peu. Qui sait? Peut-être est-ce devenue la norme de l’époque où tu liras ces mots. Il est aussi fort probable que ce soit devenu un souvenir lointain que l’on s’est dépêché de balayer sous un tapis, à la minute où le #BalanceTonPorc aura disparu de la toile. Peu m’importe son destin; son intention elle, perdurera, je n’en doute pas un instant, car même si la manifestation de notre égalité ne perdure pas dans les mots de la grammaire française, cette lettre est une graine semée, une goutte qui vient grossir le flot préexistant de mots, né du libre arbitre féminin.
A défaut d’avoir donné l’exemple, je t’offre mes quelques « lettres inclusives », à l’instar de sa grammaire, un souhait d’exister.
Karine entendait son mari râler à travers la porte en rentrant de sa commission, vexé et déçu d’avoir raté une partie de la première mi-temps et son sommeil hoquetait des cris de ses braves amis tout le long du match, mais elle ne s’en souciait plus.
Le lendemain, l’auxiliaire de vie se rendit dans la chambre de mamie Berta pour s’enquérir des nouvelles de Céline et de sa petite zoé.
-Elle est très mignonne vous ne trouvez pas? Dit la vieille dame en montrant la photo de son arrière-petite-fille à Karine.
-Aussi belle que sa maman! S’exclama cette dernière.
-La vie est une chose bien étrange, non?
Après un long silence employé à regarder fixement la vieille dame, Karine osa la question qui à présent, lui brulait les lèvres:
-Si vous êtes d’accord, je voudrais que vous me racontiez votre expérience de vie en tant que femme.
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Nicolas grandit promptement. Il atteignait progressivement l’âge auquel lui-même pouvait engendrer d’autres petits Nicolas, comme son père avant lui et son grand-père avant ce dernier. Mais contrairement à son paternel, le garçon espérait obtenir beaucoup plus de la vie. Il en attendait davantage du quotidien que ses prédécesseurs purent prétendre du leur. Bien plus que son père, le buraliste de quartier et bien plus encore que son grand père, l’ancien ouvrier d’une fabrique de papier fin dont Nicolas ignorait le nom. Le jeune homme entendait ne pas vivre constamment avec l’épée de Damoclès de la précarité au dessus de sa tête.
Cela ne faisait pas de lui un être foncièrement cupide puisqu’il ne comptait nullement consacrer chaque instant de son existence à amasser des biens tel les quarante voleurs des milles et une nuits dans une caverne; il voulait seulement ne pas devoir serrer les cordons de sa bourse quand s’en venait la fin du mois, à l’image de ses parents, pour cause de revenu modeste.
Car cette situation lui était familière, même s’il la saisissait mal dans sa tendre enfance: Le manque de moyens dans la maisonnée, se traduisant assez souvent par des pénuries intermittentes de légumes frais et de viande à table, des fournitures scolaires endommagées remplacées très tardivement, ou encore des vacances passés sur le canapé éreinté et affaissé du salon, seul, avec pour uniques compagnes la télécommande et une pizza surgelée, réchauffée au micro-onde.
Les générations de Nicolas et celle de son père connaissaient une époque de sérieuses dérives: Seule une poignée jouissait des richesses. Depuis qu’il fut capable de comprendre le monde, le mot «crise» proliférait dans les articles de journaux et dans les émissions télévisées de toutes sortes. Aucun secteur d’activité ne semblait épargné par l’ogre de la crise globale. La société ne semblait guère résolue cependant à réformer cette formidable religion de l’ultra-libéralisme à l’origine de cette décadence. Elle comptaient même des millions d’adeptes et prospérait si bien qu’à ce stade, elle s’incrustait dans les mœurs.
Son grand-père gémissait perpétuellement dès le réveil en ces mots: «Mes pauvres enfants, quelle époque absurde vivons-nous! La liberté équitable et l’entraide ont été de très courte durée!». Après quoi, il lui narrait de petits contes de son cru et des anecdotes relatants son enfance et sa vie passée, des histoires dont le petit Nicolas raffolait. Le jeune homme en revanche, les considérait comme les prémices d’une démence sénile. Pourtant ce matin-là, une tristesse à peine perceptible teintait sa voix lorsqu’il décida de reparler de son très vieil ami, le messager des songes.
-Mon petit, connais-tu le marchand de sable?
-Comme dans cette histoire que tu me racontais pour m’expliquer pourquoi mes yeux picotaient et que mes paupières s’alourdissaient lorsque sommeil me gagnait? Répondit Nicolas en levant ostensiblement les yeux vers le plafond. Il en avait soupé de cette histoire à la noix!
-Celle-là même mon petit. Mais l’espèce existe bel et bien.
-Ah oui? Tu en as déjà vu un grand-père? Demanda Nicolas, avec un scepticisme mal feint, pendant qu’il lui servait une infusion à cause de sa mauvaise nuit la veille.
-Oui, bien sûr que j’en ai vu un! Et plusieurs fois même! Je suis sûr que tu en as déjà vu toi aussi, mais ton cynisme te le fait nier! Rétorqua papy Nicolas avant de siroter doucement, d’une main légèrement tremblotante, son breuvage un poil brûlant.
-D’accord papy, peut-être dis-tu vrai. Mais pourquoi en reparles-tu tout à coup? Demanda le jeune homme, sincèrement intrigué cette fois, quant au dénouement de ce que son aïeul comptait lui confier. -Il lui arrive parfois de tenir des propos très sensés sous couverts de paraboles ou en l’occurrence, d’un conte pour enfant.
-Parce que j’ai vu le dernier de l’espèce hier soir. Il m’a dit qu’il s’en allait couler ses vieux jours quelque part très loin de toute civilisation.
-Ah bon? Et ou cela? (« D’accord, là le vieux débloque complètement! » pensa le garçon).
-Je n’en ai aucune idée, il a refusé tout net de me le dire.
-Et pourquoi décide-t-il brusquement de partir?
-Il m’a rapporté qu’il rencontrait des échecs incessants dans sa tâche depuis quelques temps. Les gens s’obstinaient à garder l’œil ouvert, même lorsqu’il forçait sur la dose de poussière. Le pauvre s’était retrouvé vite à court!
Morphée, son fournisseur, lui avait avoué manquer de graine de pavot à l’origine de la poussière, pour ses prochaines semis.
Le grand-père posa sa tasse vide sur la petite commode à côté de lui, prit une grande inspiration et continua.
-Un drame cependant finit de le pousser à cesser son activité: Le suicide de son meilleur ami, responsable du sommeil de la capitale. Contre toute attente, ce dernier c’était enfoncé dans une profonde dépression à cause de la détérioration généralisée du repos des habitants. Pris d’une grande culpabilité, il ingurgita une dose massive d’infusion aux graines de pavot et rendit l’âme, un sourire béat aux lèvres, ces graines étant euphorisantes mais mortelles pour son espèce. Une vague de suicide à la substance se répandit alors parmi les siens dès le lendemain. Les rescapés décidèrent donc d’un commun accord de fermer boutique et d’abandonner les humains à leur sort.
-Alors là! Quel histoire papy! C’est vraiment une entreprise à grande échelle le sommeil! Alors comme ça les marchands de sable nous abandonnent parce qu’ils auraient un faible pour une «drogue douce»? Ironisa Nicolas.
-Je n’en sais rien, ce n’est pas de ma faute si cette poudre qui nous est bénéfique s’avère mortelle pour eux!
-Et comment as-tu pu roupiller après son départ, toute la matinée, le derrière vissé à ce rocking chair!?!
-Grâce à ma mémoire du bon vieux temps, une époque où la joie se cachait encore dans des choses simples!
-Tu parles de la préhistoire là papy!
Ce fut les yeux mi-clos que le grand-père grommela «un peu de respect pour tes ainés!».
Emmitouflé dans son plaid et se balançant légèrement, il se rendait lentement au paradis de ses jours heureux.
Le lendemain suivant cette bien étrange conversation avec son aïeul, Nicolas ressentait une profonde tristesse. Son grand père avait raconté sa dernière légende. Savait-il à ce moment-là qu’il entrait dans son ultime torpeur? Le jeune homme s’en voulait de s’être montré si désobligeant envers lui pendant ses derniers instants. Il fallut cependant qu’il dépasse son chagrin pour se concentrer sur son avenir. Pleurer son aïeul devra attendre encore quelques semaines.
Pourtant, ce moment ne vint jamais. Avant même que le jeune homme ne puisse s’exécuter, la vie dont il rêvait et ses nombreuses exigences se firent une place de choix dans son quotidien: voyages d’affaires prirent le pas sur les repas de famille, les réunions d’entreprises passèrent avant les premiers pas de son fils. Les nuits servirent à surveiller le cour des marchés; les journées, à naviguer de taxis en bureaux pour des rendez-vous de toutes sortes. La frénésie du mieux prit le pas sur contentement que procurait le bien. Dans le fond, pouvait-on lui en vouloir? Nicolas clamait en son cœur vivre selon les valeurs de son père et du défunt grand père, celle du travail et du sens des responsabilités. Se faisant, il était tout naturel de développer un goût certain pour son activité. Aimer son métier représentait même une condition sine qua non à sa poursuite sur les quatre décennies de rigueur et ainsi prétendre à une retraite dorée. Après tout, qui pouvait encore se permettre d’espérer une manne divine ou d’ailleurs alors que les temps de crise tendaient à devenir la norme? Peu importe si cet intérêt devint donc subitement dévorant, il était nécessaire. Peu importe s’il devint primordial, en vertu de l’évidence selon laquelle le cœur de tout Homme se trouvait là où se terrait son trésor; le travail du jeune homme devint, à l’instar de la fable, son trésor.
Ce fut donc à corps perdu que Nicolas embrassa sa destinée. Son habileté ne servit qu’à mieux graisser les courroies de son ascension dans les hautes sphères de son activité et parallèlement, dans celles de l’insomnie. Cette dernière crut de manière exponentiellement égale à sa soif inextinguible du mieux. Parfait prototype du spécimen «Wireless Homo Sapiens», ses sens étaient à 90% au contact d’un écran pour décortiquer les moindres fluctuations du marché, ses instincts primaires mis à contribution du flair des meilleures opportunités. Nicolas se métamorphosait en une chimère dont l’ADN était constitué d’un super ordinateur et d’un rapace affamé, prête à se jeter sur toute proie, pourvu que cette dernière ne montrasse quelconque faiblesse. Son espèce avait développé une très haute tolérance aux nuits blanches avec l’aide du miraculeux breuvage que constituait le café et quelques opiacés.
L’avidité nouvelle qui rongeait Nicolas finit par lui coûter son mariage et la confrontation judiciaire qui s’en suivit fut aussi sanglante que les batailles menées dans l’exercice de son métier: La jolie plaque dorée qui trônait fièrement sur son bureau comportait en dessous de son nom l’inscription « pas de quartier ni de prisonniers ». Sa femme se retrouva donc avec le strict minimum pour assurer les besoins de leurs fils, lorsque ce dernier se rendait chez elle pour la garde partagée. Encore une personne de plus dans ce bas monde qui entretiendrait une profonde haine pour le petit-fils de l’ouvrier de fabrique!
Nicolas n’en avait cure. Il devint, au fil des années, incapable de faire du sentiment. « Nous sommes ce que nous valons. Si quelqu’un s’avère insatisfait de sa position, qu’il se batte pour en changer!» affirmait-il à qui voulait bien l’entendre, ainsi ne s’aperçut-il pas de l’instant où lui-même se faisait éconduire de son terrain de jeu.
En effet, une nouvelle technologie née d’ingénieux esprits mathématiques vint mettre en échec les financiers et les courtiers de son espèce: le trading à haute fréquence. De super calculateurs élaborés grâce à de formidables programmations algorithmiques informatiques vinrent repousser d’un autre cran l’économie réelle du monde financier virtuel, laissant les anciens praticiens comme Nicolas sur le carreau. Ce dernier se faisait alors l’effet d’une vielle hyène qui perdait ses crocs et son flair. Son prototype d’Homo Sapiens tombait lentement en désuétude pour être remplacé par une toute autre espèce, celle qui se rapprochait dangereusement de l’intelligence artificielle.
« Qui sera donc le prochain roi de cette tour et à quel prix? » s’interrogeait pensivement Nicolas en faisant ses cartons pour quitter son superbe bureau et sa vue imprenable sur les rues de la capitale et son ciel perpétuellement gris. En retirant sa plaque de la magnifique table en verre incassable, il pensait à tout ce qu’il dût sacrifier pour chaque jour s’asseoir dans le puissant fauteuil derrière elle. Quelques années de sommeil et son pesant en vigueur gracieusement offertes à Mammon. « Si toute la ville avait fait le même pacte, ce n’était pas étonnant que les marchands de sable se soient retrouvés au chômage !» réalisa t-il subitement en repensant à la dernière fable de son défunt grand-père. Nicolas décida d’arpenter les rues qui menaient à son appartement à pied, s’étant débarrassé de son carton-souvenir. Après tout, que pouvait-il encore bien faire du contenu? Quelle valeur donner à ces dossiers remplis d’informations obsolètes et à sa jolie plaque, symbole de sa glorieuse vie appartenant à présent au passé? Le brouillard épais de la froide matinée engloutissait la ville, à l’instar de celui qui s’insinuait dans son esprit. Les fines gouttelettes qu’il transportait lui faisait l’effet de transpercer sa chair, tout comme les pics d’incertitudes qui s’emparèrent de son rythme cardiaque. L’homme qu’il était devenu ne le rendait pas particulièrement fier mais son don dans les affaires lui garantissait à lui et à sa famille, un confort certain et une garantie de n’avoir aucun souci du côté des finances. Qu’allait-il advenir d’eux à présent? La distraction que lui causaient ces questions le firent se retrouver nez à nez avec le portier de son immeuble.
Ce dernier arborait un très ravissant coquard à l’œil droit et un bras en écharpe. Pour une fois, à cause de la gêne qu’il éprouvait d’avoir presqu’écrasé son gros orteil, Nicolas décida de lui adresser son bonjour et d’engager la conversation en l’interrogeant sur son coquard.
-Une course à la promotion qui a mal tourné. Le Nutella était en solde et comme ma fille en raffole, je me suis dit que j’allais en faire une petit stock.
Ça n’expliquait pas le bras cassé.
-Ben...tout le monde a eu la même idée que moi, du coup, ça a tourné à l’émeute...
-Je vois, vous avez besoin d’augmentation si ce n’est pas indiscret? Les fins du mois sont difficiles, je comprends...
-Pas vraiment...enfin oui, je ne cracherais pas sur une augmentation, mais c’est un principe, vous savez, c’est comme disait cette pub’: Pourquoi payer plus cher quand on peut payer moins cher?
-Vous avez raison, ce serait idiot! Lança alors Nicolas dans un petit ricanement. Après avoir pris congé de son interlocuteur, il prit l’ascenseur en direction de son appartement.
A peine entré dans la cabine avec sa musique d’une banalité sans nom, cette conversation le plongea à nouveau dans un tourbillon de questions: Quel mauvais Djinn avait bien pu s’emparer du bonheur pour l’enfouir dans un pot de Nutella? Pourquoi s’acharnait-il à nous persuader que notre félicité se cachait dans des notions aussi virtuelles que la fortune pécuniaire? Valaient-elles à fortiori le sacrifice des besoins essentiels à la survie de notre espèce? Ces valeurs de consommation frénétiques et d’accumulation de richesses évaluées en bout de papier étaient-il assez solides pour que son fils puisse à son tour s’y fier ainsi que les petits Nicolas qui lui succèderaient?
En entrant dans son séjour, il s’assit dans son canapé et prit soudain conscience qu’il s’y installait pour la première fois depuis son achat. Il s’avérait d’ailleurs extrêmement confortable ce canapé! Rien de comparable avec la ruine de son enfance! Moelleux sans excès, épousant parfaitement les courbes de son arrière-train et quel repos pour les lombaires! En plus il était escamotable! Comment se faisait-il qu’il ne s’y était jamais assis? Il repensa à sa femme qu’il traita sûrement comme ce canapé-trophée. Il soupirait d’aise mêlé de mélancolie lorsque son fils vint à côté de lui en saisissant prestement sa manette de jeux vidéos et son casque de réalité virtuelle. Avant qu’il n’enclencha son jeu, son père l’interrompit:
-Fiston, je voudrais qu’on aille en vacances quelque part pour se changer les idées.
-Cool ‘pa! Où est-ce qu’on va? Ibiza? Cannes?
-Non mon garçon, quelque part de bien moins bruyant...
Le petit Nicolas fit la moue. Le bruit, les gens, la fête, c’était la conception du voyage réussi qui faisait consensus...
-Viens je vais te montrer l’itinéraire. Il déplia son canapé très à-propos et reprit:
-Allons au pays des marchands de sable, crois-moi, tu ne seras pas déçu du voyage!
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Marc, Medhi ou encore Mariama n’avaient plus peur car ils se savaient en nombre désormais; loin de l’isolement, du confinement qu’engendrait le sentiment de marginalité. L’étiquette de bourricot que l’on voulait bien leur coller, se détachait peu à peu et les ânes qu’ils étaient, commençaient à ouvrir les yeux sur l’injustice de la charge que l’on leur réclamait jusqu’alors et le mépris qu’ils recevaient en retour.
Sur ce territoire théâtre de nombres de révoltes et de bouleversements, l’accord enfin accepté par tous était celle de l’existence d’un bien commun, auquel tous devaient contribuer à hauteur de ses moyens. Cette « Respublica » devait être soumise au regard de tous car elle était, est et demeurera l’affaire de tous, aussi longtemps que tous consentiraient à ce bien commun qui maintenait un semblant de cohésion au sein de factions aux multiples visages et intérêts. La faction dit des « ânes », prise d’un sursaut de conscience, après des phases de sommeils paradoxaux peuplés de rêves et d’espoirs, foulait enfin le pavé de ses sabots. Longtemps avait- elle ignorée sa force et la portée de sa voix. Longtemps s’était-elle murée dans son silence et privée d’action, lorsqu’était grignotée puis dévorée sa part d’expression et celle du bien commun. Elle se voulait à présent volontiers audible et en marche pour reconquérir ce qui lui revenait de droit: Une place à la table des décisions qui régissait son quotidien et celle de sa descendance.
Marc, un beau spécimen d’âne, n’était clairement pas un intellectuel. Il n’avait pas pour livre de chevet « l’esprit des lois », ni ne regardait tous les mercredi après-midi, les débats houleux, parfois puérils, des parlementaires à l’assemblée du peuple, choisir les règles qui allaient indéniablement impacter sa vie de jeune employé. Le garçon était du genre qui zappait les grands débats politiques pour passer du bon temps avec ses amis dans le petit bar à l’angle de sa rue, après une journée éreintante passée à courir dans tous les sens pour satisfaire les besoins de la clientèle de son patron. Cette vie-là, Marc l’avait à peine choisi: Une mère aide-soignante dont le salaire suffisait à couvrir ses emprunts et vivoter, un père qui n’avait jamais eu de carrière, mais en lieu et place, une ribambelle de muscles et d’os brisées par des tâches rudes d’une vie d’ouvrier. Il fallut que le jeune homme devienne autonome à peine entré dans sa majorité. Son sort était scellé. Comment pouvait-il prétendre à mieux avec les cartes que la vie lui avait donné dès le berceau? Autant porter le bonnet d’âne sur la tête et se mettre au coin d’entrée de jeu! Certes, beaucoup lui arguaient qu’il pouvait toujours reprendre des études et repartir sur de nouvelles bases. Seulement, comment conjuguer une vie active avec des études qui lui faisait tant envie? Comment survivre en renonçant à l’un au bénéfice de l’autre? Son loyer, à lui seul, lui prenait déjà plus de la moitié de son salaire! De plus, à en croire Medhi, diplômé d’une licence en droit, trouver un emploi uniquement sur la base de sa formation relevait de l’utopie. Le pauvre Medhi végétait depuis bientôt deux années sur la liste des demandeurs d’emplois et travaillait aux côtés de Marc en tant qu’extra les jours de grandes affluences. « Faute de grives, on mange des merles! » se plaisait-il à répéter à chaque fois que l’on l’interrogeait sur sa situation.
Qui veille-donc aux l’intérêts de cette jeunesse? Mariama s’en faisait toujours la réflexion, toutes les fois que son chemin croisait celui de jeunes personnes dans le genre de Marc et Medhi. Cette femme d’un certain âge, consacrait ses journées à flâner dans les rues, veillant à espacer ses longues promenades de pauses à l’étale des légumes ou des charcuteries les jours de marché et de « petites douceurs » au café-restaurant qui employait les deux jeunes. Elle aussi, sentait les effets de notre ère sur son portefeuille. Les pièces jaunes qu’elle donnait autrefois bien volontiers à la « nécessiteuse » toujours assise en tailleur à même le sol devant la poste, elle les comptait à présent consciencieusement pour régler ses consommations en fin de mois difficiles. Marc faisait toujours la moue lorsqu’il la voyait faire.
-N’auriez-vous pas une pièce de deux euros plutôt? Demandait-il parfois agacé tout en grimaçant d’embarras devant ses autres clients qui s’impatientaient.
-Jeune-homme, les temps sont durs pour nous tous, vous savez! Répondait-elle invariablement d’un sourire gêné, ce qui poussait Marc à lui présenter des excuses et lui promettre d’écouter une unième fois, les récits de son parcours d’immigrée assimilée. La vielle dame pensait encore souvent à la terre de ses ancêtres et ce à quoi elle dût renoncer pour suivre son défunt mari naturalisé en ces nouvelles terres, en remerciement des batailles qu’il avait livré pour sa nouvelle
patrie. « Il semblerait que les temps soient durs partout », murmurait-elle dans un soupir, lorsque le journal télévisé lui rapportait les émeutes qui se déroulait dans sa terre natale.
Un sentiment d’impuissance et de défaite animait Marc, Medhi et Mariama tous les soirs, au moment du coucher. Les « demain tout ira mieux » se transformèrent en « demain est un autre jour », puis en « encore un jour de plus ». Le temps qui passait, faisait l’effet d’un accélérateur de leur précarité et ils s’empêtraient un peu plus dans les filets d’une culpabilité kafkaïenne de cette pauvreté subie.
-Regardes un peu cette vidéo Medhi! Elle est virale sur les réseaux sociaux! Criait Marc, tout excité en agitant son smartphone au visage de son collègue à la fin d’un service.
-Ah oui! Je l’ai vu aussi! Tu parles de celle du type et ses émules qui demandent à ce qu’on paralyse l’économie du pays en bloquant des péages et des ronds-points? Lança Medhi avec une pointe d’ironie.
-Entre autres choses, mais c’est surtout l’idée qui m’intrigue. Il faut dire que je ne fais que subir le système! J’en ai marre d’être une victime, pas toi!?! S’exclama Marc tout à coup, trépignant à l’idée de faire parti d’un mouvement pour la première fois de sa vie.
-Ce n’est pas le même type qui conseillait il y a quelques temps de faire un pied de nez aux banques en retirant tout nos sous, tous en même temps?
-Oui, il n’a pas que de bonnes idées... S’il se doutait que les gens comme moi vivent sur leurs découverts autorisés à partir du 15 du mois, cette possibilité ne lui aurait même pas traversé l’esprit, c’est sûr! Ricana Marc. Mais l’idée de blocage est vraiment cool! Je n’ai jamais pu finir le lycée, alors l’idée d’un blocus...
-Tu sais, on peut faire grève au travail aussi pour faire bouger les choses! Faire parti d’un syndicat serait plus efficace que de compter sur une mobilisation générale... Tu ne penses pas? S’empressa de proposer Medhi, encore sceptique.
-Qu’est-ce que le syndicat t’a apporté de viable depuis que tu y as adhéré franchement? Toi plus que n’importe qui, sait à quel point la convention collective dans la restauration est de loin la pire! D’accord, avant que tu ne dises quoique ce soit, je sais bien que tu n’es qu’intérimaire. Mais en attendant, tu es dans le même bateau que nous tous! Un salaire qui te laisse sans sous propre quinze jours après t’être versé, des aides devenues ridicules et une vielle voiture qui te coûte les yeux de la tête!
Medhi savait en son for intérieur que les propos décousus de Marc et des types sur les réseaux sociaux n’étaient pas pour autant dénués de sens. Son éducation de prolétaire acquise de son père et sa formation juridique le poussait à se fier aux circuits de révoltes préétablis. Jusqu’à cette année-là, il s’identifiait au genre de citoyen dont la voix était entendue et défendue par son élu. Pourtant, s’interrogeant sur le passé avec l’exemple paternel et celle de l’histoire, se rongeant les sangs pour l’avenir en songeant au temps filant et à ses enfants à naître, Medhi mêla volontiers ses cris à celui de Marc et de leurs semblables, au cours des manifestations auxquelles ils décidèrent de prendre part. Mariama n’était pas en reste. Elle se révéla très sensible à la cause, pour elle et pour les siens et espérait ainsi que leurs cris feraient se pencher les mieux lotis sur leur condition.
Cependant, comme tout mouvement populaire venant remettre en question un ordre préexistant et des statuts durement acquis dans certains milieux, leurs revendications étaient considérées comme des « braillements » de gens ignares, des « ânes » qui ne savaient pas ce qui devait être fait dans l’intérêt de tous. Seulement, cet interêt général tendait à pencher à fil du temps, en flagrante faveur des « autres » dans l’esprit de ces révoltés, ceux-là qui vivaient dans les beaux quartiers et faisaient fortune grâce à leur ingéniosité à rentabiliser le travail de la masse. Alors les cris de colère retentirent plus fort. Les blocages s’intensifièrent dans l’espoir de constituer le caillot qui bloquerait le flux de richesse temporairement, dans l’espoir d’éveiller la conscience des élus, dont le rôle était de veiller à représenter les intérêts de tous.
Puis survint ce qui arrivait à chaque fois qu’une frustration exprimée récoltait du mépris: Il eût des bris de biens, de la violence, des râles et de la répression armée. Des manifestants grièvement blessés, des coups portés aux gardiens de l’ordre. Le dialogue de sourd entre les autorités et la nouvelle faction n’arrangeait en rien la situation, ils étaient clairement à tenir à l’écart, selon certaines plateformes d’informations de masse. « Des ânes, je vous dis, des ânes! Paysans
venant du fin fond du moyen-âge! Qu’ils acceptent donc de vivre dans notre modernité!», exprimèrent à demi-mots, quelques biens-pensants, à propos de la révolte dans des médias complaisants. « Des ânes? Des bourricots? Et bien soit! Nous sommes des bourricots dont on veux tirer la bride vers la modernité, un monde dans lequel les richesses représentent une épaisse nuée spéculative immatérielle, où le progrès s’accumule sous forme de condensés de particules fines dans nos poumons et dans lequel des ours polaires faméliques, dérivent sur des bouts de glaciers millénaires, dont le paroxysme du bel essor industriel de notre époque, a su venir à bout. Mais nous les bourricots, les ânes que nous sommes, freinent fièrement des quatre fers et rechignent à se mettre en marche vers ce avenir si radieux!!! », rétorquaient d’irréductibles réfractaires à la globalisation qui se joignirent malgré eux, au mouvement.
Les voix et les revendications devinrent multiples, les ronds-points devinrent des lieux de partages humains et culturels, des endroits où l’on parlait enfin de citoyenneté et de contrat social. Des
« ânes » de l’espèce de Marc qui durent mettre le pied à l’étrier avant même la fin du secondaire, se cultivèrent au contact d’érudits oubliés et apprirent à mettre des mots sur l’origine de leurs maux. D’autres ânes de tous poils trop longtemps ignorés, méprisés, avilis, sortaient maintenant des campagnes, des villes et des bois. Ils battaient le pavé de leurs sabots abîmés par des jours, des mois, des années de travaux qui usent, portant fièrement les stigmates de leurs conditions, brayaient haut et fort leur existence. Ils investissaient les rues que les « autres » avaient fait leurs, des rues devenues discriminantes, des rues où l’on dégustait le meilleur « fourrage » et où l’on vivaient dans les meilleurs « enclos ». Des réflexions de groupe ressortaient l’idée « Omnia sunt communia » (tous sont communs), toute chose du domaine du commun devrait être soumis à la discussion et au regard de tous.
Mais la multiplicité des voix rendait le message hétéroclite et diffus et la remise en cause du système par le biais de la consultation de tous devenaient synonyme d’une anarchie irrémédiable pour le sommet hiérarchique. Pourtant, la fracture entre ces mondes qui s’affrontaient insidieusement, avait rarement été aussi visible et criante: les intérêts de chaque parties semblaient nettement s’opposer et le refus des ânes de se choisir des représentants pour défendre leur part du bien commun, faisaient transpirer en haut-lieu, en rendant leurs tâches un peu plus ardu. La nouvelle lubie des ânes de soumettre tout élu et toute affaire du domaine public à l’appréciation de tous, faisait grincer des dents. Marc se gratta pensivement le bout du nez en pensant au non-sens de l’impasse que vivait cette revendication:
-Ne sommes nous pas en démocratie? Le mot ne signifierait-il pas que toute décision prise dans un tel régime appartient au collectif des citoyens et ainsi, que tous devraient y prendre part? L’ancien professeur féru de sciences humaines assis à côté de lui, se leva, ramassa des morceaux de cagots à légumes pour alimenter les braises. Ce faisant, il fit son laïus sur le sens étymologique du mot « démocratie » en guise de propos préliminaire et poursuivit son argumentaire jusqu’à ses échecs, de l’époque des Athéniens jusqu’aux crises de gouvernances qu’elles entraînait dans le monde actuel. Il ne manqua pas de souligner pourquoi l’on avait cru préférable une démocratie représentative à celle plus directe et en quoi ni l’un, ni l’autre n’était viable. Un autre, opposa de façon virulente, son point de vue sur le sujet et la question de Marc resta en suspend, tout comme le temps à ce rond-point, carrefour d’idées et de conceptions diverses de l’aspect institutionnel idéal pour une meilleure gestion de la « Respublica ». La seule phrase que retiendra le jeune- homme ce soir-là, vint d’un anonyme, passablement éméché qui coupa court à la joute verbale en lançant ces mots pleins de lucidités:
-Notre espace républicain est gigantesque pour un système de pur démocratie direct. Trop de gens! Autant d’individus, autant de façon de voir le monde. Un système de concentration des pouvoirs dans une main ou dans celle d’un groupe ne fonctionne pas non plus, car il faudrait croire non seulement en une nature humaine bonne et altruiste, mais il faudrait aussi que cette même nature soit inébranlable et incorruptible pour un choix sans faillir! Autant se mettre tout de suite en quête du saint graal, il serait plus facile à trouver! L’opinion cet ivrogne ne résolvait rien, mais elle poussait à la réflexion aux alternatives.
Ce prélude révolutionnaire que vivait Marc, Medhi et Mariama n’avait rien d’unique, l’histoire humaine fourmillait déjà de tentatives similaires réussies ou avortées. Cependant ils disposaient d’une alliée qui avaient fait défaut aux autres: Un réseau virtuel insaisissable et incontrôlable pour faire résonner des vers bien à eux:
« Oyez, oyez jeunes et vieux,
L’histoire des ânes dits envieux.
Ceux et celles qui veulent une égalité dans le partage,
Ce troupeau qui s’entend promettre toujours meilleur fourrage, Et qui en fin ultime, récolte toujours miettes et carnages.
Oyez leur récit couches supérieures,
Ce qu’ils souhaitent c’est d’être écouté sans heurt, Contribuer à hauteur de leurs mannes,
Prêtez oreille à la révolte des ânes! »
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Défi
L’espoir est un luxe que seules de pauvres âmes telles que moi s’autorisent,
la religion est peut-être l’opium du peuple, mais l’espoir est une drogue encore plus puissante.
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Comme la brise printanière soufflant légèrement dans les branches fleurissantes du cerisier,
le coeur amoureux chante, danse et se réjouit,
c'est une fleur qui bourgeonne et s'épanouit quand l'être cher lui sourit.
Comme la tempête qui balaie les vagues tumultueuses de l'océan à l'heure de la mousson,
le coeur blessé bouillonne, hurle de rage, s'indigne,
c'est un flot déchainé qui tourbillonne et gronde quand l'être cher le trahit.
Comme la bise hivernale régnant en maître dans les plus vastes étendues de glaciers,
le coeur délaissé refroidit, gèle et fige,
c'est de la glace qui se condense et s’épaissit quand l'être cher, telle une ombre au loin s’évanouit.
Comme les saisons qui changent au fil du temps,
Le coeur amoureux connaît tour à tour douceur et peine.
Cependant, il ne renonce point au bonheur à cause de la grisaille passagère,
Il espère et continue de se battre pour un sourire de l’être cher.
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Bercée par mon insomnie perpétuelle et la cacophonie régnant dans ma cervelle,
Me revient susurrer à l’oreille le démon bigot du doute, s’exprimant en ces termes;
Dieu aurait dû s’abstenir de créer l’espèce humaine,
Il aurait dû prendre un long weekend de repos après les bêtes.
Dieu aurait dû prévoir qu’après avoir façonné notre espèce,
Son archange adoré le plus fidèle lui tiendrait tête.
Il aurait dû concevoir une peine plus supportable pour nous que les flammes de la géhenne,
Une peine plus humaine qu’un torrent de feu d’une coulée éternelle.
Prévoir des barbelés ou des ronces sur les fruits de l’arbre de la connaissance,
Aurait été une précaution, ma foi, non superflu en l’occurence,
Pour que la bien belle mais leste main d’Eve s’écorche,
Et que ma chair déjà ébène, ne calcine éternellement dans le feu et le souffre,
Pour que mon dos bien mal bâti, sous l’effort et la peine ne décroche,
Et que mon esprit fragile, ne danse jour après jour au bord du gouffre.
Yaveh aurait dû lors de sa mémorable colère qui déclencha le déluge,
Se souvenir des pauvres âmes à naître comme la mienne,
Et se contenter de faire venir à lui Noé et sa bonne famille,
Comme il s’en était souvenu pour Enoch,
l’homme juste des temps anciens qui ne connut point la mort,
Pour qu’il ne fusse plus d’être vivant ici-bas dès lors sur cette terre,
Pour que ma tendre couenne ne grillasse point un jour en enfer.
Je l’aurai plus longuement supplié pour qu’il s’abstienne,
Prié que mes parents ne se rencontrassent jamais,
Qu’il se soient retenus une année de plus pour m’éviter les affres de la vie.
J’aurai oeuvré pour un monde plus juste si j’en avais le pouvoir,
A défaut de pouvoir faire passer la terre à proximité d’un trou noir.
J’aurai pu continué à croire en mon semblable sans aucune rage,
Si Dieu était comme l’on dit, un être à mon image.
Mon démon bigot du doute est prolifique et volubile,
Sa langue fourchue me titillant oreille s’avère très habile,
Mais ma curiosité encore plus forte,
Survivre pour assister au chaos, peu m’importe,
Ma foi, mes yeux ont le désir impérieux de voir.
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Vous êtes arrivé à la fin