Réponse à "Un roman en 40 semaines"

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 — Salopards d'étranger !

 L'insulte lancée au hasard fit se retourner la petite famille, seulement composé d'un enfant, déjà grand, et de deux parents. Ils se retrouvèrent à fixer ces gens, qui les toisaient avec tant de dégoût que cela devait être illégal. Des Blancs. Ils ne parvinrent pas à identifier la personne qui avait lancé l'insulte, qui se cachait sûrement parmi sa petite bande mais son père s'avança tout de même d'un pas, pour défendre sa femme et son fils, de tout juste dix huit ans. S'il y avait une chose qu'il ne supportait pas, c'était que l'on s'attaque à sa famille. En fait, il ne comprenait même pas comment quelqu'un de censé pouvait faire ce genre de chose. Mais ces gens n'étaient pas censés, c'était des sauvages, dénués d'empathie et de tout ces sentiments humains. Le fils soupira, en retrait, déjà lassé de cette situation trop commune.

 En effet, celui-ci n'était pas étranger à ce genre de provoquation ; en fait, ça lui était arrivé à plusieurs reprises ; dans la rue, en cours, ou encore au petit marché de proximité. Il se demandait pourquoi cette remarque, maintenant, alors qu'ils n'avaient rien fait d'autre que de se balader dans leur quartier. Il n'avait absolument rien fait de mal !

 Son père les avait toujours encouragé sa mère et lui, à s'habiller comme les autres et à parler français, pour bien s'intégrer. Pour le fils, s'était facile, mais bien moins pour sa mère. Malgré ça, elle avait fait des efforts et avait abandonné, regret, son niqab, à regret.

 "Ils nous accueillent, alors nous nous devons de nous faire discrets et de ne pas les gêner ou les bouleverser avec nos coûtumes, on s'adapte".

 Cette phrase, son père lui avait répété à de nombreuses reprises ; quand il se faisait insulter, dans la rue, à l'école ou même au petit magasin du coin. Ils en avaient presque renié leurs origines mais peu importait au chef de famille, le plus important était de s'adapter, à tout prix.

 Mais les commentaires désagréables ne se taisaient pas pour autant. En fait, c'est comme s'ils empiraient ! Parce que maintenant, ils ne piquaient plus seulement leurs logements mais aussi leurs vêtements et leurs coûtumes !

 "Le musulman", "L'étranger", "Le poseur de bombe".

 Les gens ne se gênaient pas pour dire toutes ces choses devant ses yeux. En face de lui, alors qu'il n'avait que cinq, dix, ou quinze ans !

 Mais le pire, ce n'était pas ça ! Non, le pire, c'est qu'il était français ! Il était né ici, dans ce pays développés, aux grandes tours bétonnés : les logements sociaux. Décris comme le Paradis selon les français. Parce que oui, selon eux, c'était décent ! Enfin, en tout cas assez pour qu'ils se plaignent que la "vermine" comme nous y ait le droit !

 Mais voilà, la réalité était tout autre ; logements indécents et odeurs de canabis dans les couloirs. Chiottes qui fuient, tags obcènes de pénis sur les murs des couloirs et raids de la police un soir sur deux, au bas de l'immeuble. Et sa mère ! Accostée par ces si parfaits gens, en complet noir et blanc ! C'en était pitoyable...

 Mais bien sûr, lui, "l'étranger", n'avait qu'à se taire et porter toutes les fautes du monde sur ses frêles épaules d'adulte en devenir ; la guerre, le chômage, les rodéos urbains, la baisse des bons résultats au bac, et la hausse des prix des logements. Même les pénuries d'huile et de moutardes semblaient être de sa faute, désormais...

 Alors voilà, il en avait marre. Il était lasse de tout ça. Il ne voulait pas faire plus d'histoire et devenir le fautif, une fois de plus. Il voulait baisser les yeux et tracer sa route. Esquiver le problème, une fois de plus, parce que s'était la meilleure chose à faire.

 Mais il en fut décidé autrement...

 — T'as un problème le terroriste ? Tu vas tout faire péter si on t'énerve ? provoqua l'un des hommes, légèrement plus petits que ces congénères; le meneur.

 — Pappa, appela le garçon, avec une lueur craintive au fond des yeux.

 — Mahbouba, insista la femme, en vain.

 Le père de famille ne bougea pas d'un poil, son regard ferme planté dans celui de son vis-à-vis.

 Ce fut à ce moment-là que tout dérappa.

 Le meneur de la bande s'approcha pour empoigner le col de l'homme avec une violence qui fit reculer le fils. Il aurait voulu bouger, défendre son père mais il ne pouvait pas. Il était paralysé par la peur qui prenait doucement possession de tout son corps. Elle s'insinuait telle un poison dans ses veines et l'empêchait de remuer ne serait-ce que le petit doigt pour aller prendre la défense de son vieux Pappa.

 Le premier coup partit, si vite, si violement. Ce n'eut rien de spectaculaire, en apparence, mais le plus petit semblait posséder une certaine force physique. En tout cas assez pour éclater la lèvre inférieur de sa victime, qui grogna de douleur. La vue du sang finit de le statufier, le coeur au bord des lèvres. Son père, malgré ses maigres compétences en combat, refusa de se laisser faire et riposta rapidement, en envoyant son poing dans la mâchoire de son assaillant.

 L'heure n'était plus au dialogue.

 En fait, elle ne l'avait jamais été, avec ce genre de personnes...

 Le jeune homme était toujours aussi immobile, le visage pâle comme la mort. Il vut sa mère se jeter dans la mêlée lorsque les trois autres hommes commencèrent à s'acharner sur son paternel. Cet homme qui l'avait élevé, aimé.

 Il vivait la scène au ralenti. Impossible pour lui de ne pas voir les taches de sang qui formaient des flaques sombres sur le sol. Tout cela lui semblait si irréel...

 Les passants passaient, détournaient les yeux de ce massacre sans même songer à intervenir. Le jeune homme priait avec une telle ferveur, comme il n'avait jamais prié auparavant. Il ne savait même pas ce qu'il voulait exactement mais il voulait qu'Allah les sortent de là, que quelqu'un les aide, mais il n'en fut rien. Les hommes ne commandaient pas les Dieux, s'étaient ainsi depuis la fin des temps.

 Une adolescente s'arrêta pourtant là, le regard horrifié, appeurée, comme sensible à son appel à l'aide, à son cri silencieux. Elle jeta des coups d'oeil affolés autours d'elle. Elle aussi cherchait de l'aide.

 Allaient-ils réagir, ces foutus passants ! Non ? Pourquoi ! Pourquoi ne faisaient-ils rien ?

 Un homme agonisait à terre, une femme se faisait frapper, déchirer ses vêtements. Un fils se tenait là, sombrant dans le désespoir à la vue de ses parents rabaissés plus bas que terre pour des raisons stupides...

 Alors pourquoi rien n'était fait ! Pourquoi les laissait-on souffrir ?

 Elle tira son téléphone de son sac, les mains agitées de soubresaut paniqués. Elle porta le combiné à son oreille, terrifiée, sans quitter les agresseurs des yeux, de peur, peut-être, qu'ils ne lui sautent dessus. Elle croisa les prunelles de l'adolescent, d'à peine une ou deux années de plus qu'elle. Il ne bougeait pas, en état de choc. Il était incapable de faire quoi que ce soit. Même s'enfuir lui semblait impossible.

 Il vu son père s'écrouler en premier, et rapidement, sa mère suivie, dans un état tout aussi lamentable. Le meneur de la bande cracha un molard rougeoyant sur leurs corps ensanglantés.

— J'espère que vous finirez en Enfers, enfoirés d'arabe, lança l'homme sans même paraître affecté par la vue de ces corps mutilés de ses propres mains.

 Puis, il leva les yeux vers lui. Une larme, silencieuse, coula sur la joue du garçon, dont les lèvres tremblaient violement à cause de la peur. A l'intérieur de lui, il hurlait. De peur. De désespoir. Il voulait vomir, détourner les yeux de cette scène, de ses parents qui ne semblaient plus respirer.

 Sa famille, sa seule famille qui baignait dans son propre sang.

 La fille lui hurla quelque chose mais il l'entendit en sourdine et reçu le poing en plein dans la carotyde. Assez pour se sentir étourdis. Tout était désormais ralenti pour de bon, cette fois-ci. Sa tête le lançait, ses oreilles grésillaient et sa vue se troublait. Il encaissa encore quelques coups, dans l'estomac, et au visage, avant qu'on le lâche. Il s'écroula telle une poupée de chiffon lorsque son agresseur s'enfuit. Le liquide pourpre coulait dans ses yeux, dans sa bouche,se mêla à ses larmes silencieuses, sans qu'il ne sache d'où cela venait. Il amena une main tremblante à son visage, pour l'essuyer, tentant de comprendre d'où s'échapper ce liquide rouge qui lui était vital.

 Pourquoi ne ressentait-il pas la douleur ? É tait-il en train de mourir ?

 L'adolescente qui avait appelé la police se rua immédiatement vers lui, sans pour autant qu'il la voit. Les regards outrés des passants en disaient longs sur leurs pensées.

 Qu'est ce que cette folle faisait là ? Voulait-elle se retrouver avec ces racailles sur le dos ? Ne pouvait-elle pas détourner les yeux comme tous les autres ?

 Celle-ci était raté, ou pas encore finie. Il lui manquait ce petit quelque chose ; l'indifférence. Ce détail qui la distinguait des autres robots. Il ne fallait pas s'inquiéter pour elle, en entrant dans la vie active, elle se conditionnerait comme eux, abandonnerait cette chose appelée empathie pour elle aussi devenir un être de chair au coeur de métal.

 Elle s'agenouilla près du garçon, lui parla à travers ses yeux embués par les larmes. Il ne la voyait toujours pas.

 Pour la première fois de sa vie, elle était confronté à la dure réalité du monde actuel.

 La police arriva sur le terrain, trop tard, comme toujours.

 Une ambulance fut appelé et avec elle, la morgue.

 Le garçon n'eut que des souvenirs flous de la suite. Ce dont il se rappelait était bien après cet accident. Bien après ce moment où il avait vu ses parents dépérir sous les coups de ces gens...

 Le procès avait été rapide et totalement inutile.

 Ça, le garçon s'en souvenait très bien. Après un passage à l'hôpital, il avait été interrogé par des policiers, qui ne s'étaient même pas embarassé à prendre en note ses mots, pourtant si difficiles à sortir. Ils n'avaient pas essuyé ses larmes. Ils ne lui avaient pas promi de retrouver ceux qui avaient commis ce massacre. Ils ne lui avaient même pas souhaiter un bon rétablissement, comme le voulait pourtant l'étiquette.

 Les hommes n'avaient pas été retrouvés, même si le jeune homme les soupçonnait de ne pas les avoir cherché, pas d'inculpés. L'enfant qu'il était, tout juste majeur, n'avait pas été un problème non plus, puisqu'il avait atteint l'âge si tragique des désillusions.

 Il était aussitôt retourné en cours, pour ne pas rater son bac, et n'avait pas eu le droit à ne serait-ce qu'un suivi psychologique...

 Ses parents avaient été brûlé, faute d'argent, et d'organisation.

 Il n'y avait rien eut d'autre au sujet de l'accident. Rien à part un court article de presse locale, expliquant cet évênement par une simple rixe aillant mal tourné.

 Le garçon avait alors vendu l'appartement de ses parents, obtenus son bac avec mention, c'était mis à la drogue et avait commencé une fac de droit, comme le souhaitait son père...

 L'appartement de ses parents, ce grand deux pièces, si richement décoré, il ne pouvait plus y entrer sans s'étouffer et vomir. Stress post-traumatique. Alors il l'avait confié cet endroit, ppourtant si précieux à ses yeux, à une agence immobilière après avoir difficilement récupérer quelques-unes de ses affaires. Rien de ses parents. Il avait demandé à ce que tout soit jeté, pour ne plus jamais être confronté à tout cela. La décision aurait pu paraître compliqué mais ça n'avait pas été le cas. La torture qui s'était infligé en récupérant ses quelques possessions avaient été telle qu'il préférait renoncer à tous ces possibles souvenirs.

 Son retour en cours n'avait pas été si difficile qu'il ne le pensait ; personne ne lisait le journal et l'anonymat avait au moins été respecté. Il avait bossé d'arrache-pied comme il le faisait déjà avant, pour éviter d'avoir à penser à tout le reste. Il faisait tout pour tenter de garder cette illusion de normalité, se dire que tout serait fini lorsqu'il rentrerait. Sauf qu'il ne rentrerait jamais, il le savait très bien...

 Il avait trouvé un appartement de la taille d'un placard à balais prêt à l'accueil juste à côté de la faculté qu'il visait. Le loyer était moindre et il ne pensait pas avoir besoin de plus de place, alors tout irait bien.

 La drogue, c'était encore une autre affaire. Il s'était d'abord laissé tenté par un joint, juste après avoir fini ses épreuves du bac. Puis un autre, pour fêter les résultats. Et il s'était rendu compte, en multipliant les occasions, que ça appaisait ses angoisses liées au faites de se retrouver seul. Que dans ces moments, il ne sentait plus vraiment la tristesse.

 C'était bien sûr un mensonge de sa part.

 Une fois, il avait vu ses parents, dans l'une de ses hallucinations. Et il s'était senti comme sur un nuage. Alors il avait recommencé, encore et encore, recherchant en vain cette même sensation. Comme ça ne revenait pas, il avait essayé quelque chose de plus fort ; la drogue dure. Ca n'avait pas marché non plus et la dépendance l'avait rapidement rattrapé, ruinant ses études et sa maigre bourse d'étudiant. Il eut l'idée folle de vouloir arrêter mais ce lui fut impossible. Alors il continua, en se raccrochant à ce faible espoir de pouvoir revoir ses parents lors d'une hallucination. Il augmenta même les doses dans ce but.

 Comme l'argent de faisait rare, il sautait les repas. Comme l'envie se faisait rare aussi, il sautait les cours, puis la maison. Il ne prenait même plus la peine de rentrer le soir. Il préférait s'allonger sur une banc ou un trottoir, sans aucune gêne parce qu'il était complêtement défoncé, dans l'attente de quelque chose qu'il ne savait pas lui même.

 Il détestait ce monde. Il était tellement plein de haine et de rancoeur contre ce système de privilégié qu'il avait envie d'en crever. Le bonne élève, le gentils fils, avait disparu, remplacé par une coquille vide rongée par une tristesse et une solitude sans nom...

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En réponse au défi

Un roman en 40 semaines

Lancé par Gruik

Bonjour, je suis un mooc sur ce sujet à la convivialité plutôt faible. Que vous suiviez ce mooc ou non voici le défi.

- Publier un chapitre de 2500 mots une fois toutes les deux semaines, pendant 40 semaines. (ou plus si c'est trop chronophage.)

- On sait que c'est du premier jet en alpha lecture, donc ne pas être trop virulent.


- Les corrections, redécoupage de chapitre et jets suivants seulement quand les 20 chapitres sont faits.

- On fait des groupes de 4/5 personnes afin de suivre les mêmes personnes. 'ça n'empêche pas les petits coup d' œil ailleurs)


- Le rythme de publication laisse le temps de lire les chapitres du groupe et de commenter.

C'est un cadre general, si vous faite 3000 mots et 15 chapitres, cest pas la fin du monde.

Je ne sais pas si je serais capable d'aller au bout, mais je vais essayer.

Commentaires & Discussions

Chapitre 1Chapitre2 messages | 1 an
PrologueChapitre25 messages | 1 an
Chapitre 2Chapitre0 message
Chapitre 3Chapitre0 message

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