Ebi
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de toujours
Anton est un lycéen ordinaire en apparence, notes correctes, cercle d'amis restreint, comportement irréprochable. Mais derrière son masque de normalité se cache une vérité plus sombre. Sociopathe, il ne ressent ni remords ni empathie, dissimulant avec brio ses pulsions. Il manipule, ment, joue avec son entourage. Jusqu'au jour où il croise la route d'Elias, un nouvel élève qui l'intrigue comme jamais auparavant... Méfiants, les deux se testent, se défient, puis se légitiment. Ce qui commence comme un jeu de manipulation devient une danse macabre où chacun cherche à prouver sa supériorité. Mais à force de jouer avec le feu, qui finira par se brûler en premier ?
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Je ne tue jamais le matin. Le matin, c’est pour le café, pour le silence de la peau nue contre les draps, pour les oiseaux qui oublient que la ville est sale. Tuer le matin, c’est bâclé. C’est comme pisser sans viser. Je préfère la nuit. Ou mieux encore, ces fins d’après-midi gris-bleu, quand les gens croient encore qu’ils auront le temps. Je m'appelle personne. Pas besoin de nom, pas besoin de passé. Juste un corps précis, huilé, une main ferme, une cervelle bien rangée. Et quelques armes dans un sac de voyage. C'est tout ce qu'il faut pour vivre comme je vis. Et vivre, pour moi, c’est entre deux battements de cœur d’autrui. Je suis une professionnelle. Mais je ne suis pas une machine. Je prends mon pied. Ils m'ont appelée lundi soir, comme souvent. Une voix filtrée, plate, presque polie. Un homme, sûrement. Il m'a dit : Rue du Gambetta. Trois jours. Cible : homme, 44 ans, avocat fiscaliste. Surveillance minimale. Exécution libre. Libre... Ce mot-là, j’aime bien. Ça veut dire que je peux choisir la manière, le moment, le goût. Ça veut dire qu’on me fait confiance, ou qu’on ne veut pas savoir. J’ai regardé mon reflet dans le miroir de la salle de bains de l’hôtel. Pas une ride, pas
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En compressant les 13,8 milliards d’années de l’univers en une seule journée, ce texte retrace les grandes étapes cosmiques, de la naissance du temps à l’apparition de l’humanité dans les dernières secondes. Nés de poussière d’étoiles, nous sommes une conscience fragile dans un univers indifférent...
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Défi
Cinq minutes, et puis plus rien, Un soupir dans un matin. Le jour s'efface, l’ombre s’étire, Rien ne reste, pas même un sourire. J’ai vu passer ton nom fané, Sur la buée d’un vieux carnet. Il pleuvait dans mes souvenirs, Et mes silences voulaient mourir. Le temps s’effondre, il bat de l’aile, Comme une montre sans ritournelle. J’écris pour ne pas te trahir, Mais l’encre sèche avant d’agir. Cinq minutes, et c’est trop tard, Ton absence scelle le départ.
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Défi
Akiko regardait l’horizon, les yeux embués de souvenirs. Chaque cicatrice racontait une bataille invisible, chaque silence une épreuve endurée avec dignité. Elle avait connu la nuit, cette obscurité lourde qui écrase l’âme et fige le cœur. Mais jamais elle ne s’était laissée dominer. Dans son cœur brûlait une flamme fragile, tenace. Fidèle gardienne de son espoir. Elle avançait, pas après pas, défiant la douleur avec un courage hors norme. Akiko savait. La véritable force ne résidait pas dans le cri, mais dans la capacité à continuer, même quand tout semble perdu. Son voyage était une véritable ode à la résilience.
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Je suis d’une finesse qu’on dit maladive. Filiforme, presque trop. Mon corps, sans le vouloir, trouble et dérange plus qu’il ne séduit. On parle d’anorexie quand il ne s’agit que d’être comme ça, faite d’angles et de silence. Mon visage ne cherche rien, mais il capte. Une peau pâle, un grand front, deux yeux verts qui voient avant même que je regarde. On me dit solaire, mais ce soleil ment souvent, il brille pour masquer les tempêtes intérieures. Je parle fort, trop fort, ma voix s’impose, même quand je voudrais qu’elle se taise. J’entre quelque part comme on entre dans un combat, sans stratégie, mais avec bruit. On ne me remarque pas toujours pour de bonnes raisons. Et pourtant, je préférerais qu’on m’oublie. Je ne cherche pas l’amour, je le redoute. Je préfère qu’on me déteste, c’est plus clair. L’amour est trop flou, trop risqué. J’ai appris à avancer en rêvant seule, même si parfois, une part de moi rêve de se reposer un instant dans la tendresse d’un autre. Je m’habille sans stratégie, un style simple, grunge, sans apprêt. Mes mains parlent plus que mes mots, et quand je me retiens, réfléchis, angoisse, je mords ma langue, littéralement. Je ne suis pas douce, pas souple. J’ai
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Défi
Il est 3h06 quand elle abandonne. Le sommeil ne viendra pas. Il ne vient plus vraiment depuis des semaines. Il semble parfois approcher, juste assez pour frôler son esprit avant de disparaître, comme un compagnon cruel. Elle reste là, les yeux ouverts dans le noir, figée dans un lit qui ressemble de plus en plus à une scène vide. Son corps est lourd et pourrait dormir. Mais sa tête, elle, tourne sans fin. Elle se lève doucement, enfile un pull trop grand qui garde encore une légère odeur de tabac froid. Pieds nus sur le parquet, elle traverse silencieusement l’appartement avec son chat à ses côtés. Dans le salon-atelier, la toile l’attend, blanche, inerte. Elle la regarde un instant, soupire, prend un pinceau... puis le repose. À quoi bon ? C’est toujours la même question. Qu’elle peigne ou pas, qu’elle crée ou pas, le monde tourne sans elle. L’impression d’être un détail flou dans un tableau immense, insignifiant. Elle prépare un café même à cette heure avancée. L’amertume du liquide lui brûle la gorge, mais au moins cela prouve qu’elle est encore là, présente dans ce corps fatigué par ses pensées incessantes. Elle ouvre son carnet où se trouvent des dessins inachevés, des croquis
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Défi
Je ne sais pas trop comment commencer. Peut-être simplement comme ça : Tu me manques. Tu me manques doucement, comme une chanson dont j’aurais oublié les paroles, mais pas la mélodie. Tu es partie quand j’avais 11 ans. Et à 11 ans, on ne sait pas grand-chose. On ne sait pas que les gens qu’on aime peuvent disparaître aussi vite que le silence après un éclat de rire. On ne sait pas qu’on aurait dû poser plus de questions, tendre l’oreille autrement, écouter vraiment. Je me rends compte aujourd’hui que je ne sais presque rien de toi. Qui tu étais, vraiment. La femme. La petite fille que tu as été. La mère que tu as essayé d’être. Ce que tu as aimé, ce que tu as traversé, ce que tu as perdu. Je me demande si tu avais peur, parfois. Comme moi. Si tu regardais le monde avec cette même curiosité mêlée de doute. J’aurais aimé t’en parler, te dire ce que je ressens face aux choses, te demander ce que toi, tu en penserais. Tu m’aurais sûrement répondu avec cette façon de parler simple, pleine de bon sens, et toujours tendre. Je me souviens des mercredis chez toi. Il y avait l’odeur des frites et du bifteck, ce calme rassurant dans la maison, les dessins animés sur la 5, et ta voix. L’après-
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Défi
Dans ce monde, la légèreté tuait. Plus on était léger, plus on montait, irrémédiablement, happé par le ciel. Les enfants, à la naissance, étaient lestés de chaînes tressées d’encre noire qu’on attachait à leurs chevilles. On leur chantait des berceuses pleines de doutes et de remords, pour les alourdir doucement. Chaque éclat de rire, chaque geste tendre, chaque rêve naïf les allégeait. Un compliment sincère, une larme versée pour autrui, et voilà qu’ils flottaient un peu plus près des toits. Les plus joyeux étaient surveillés comme des malades contagieux. Ceux qui aimaient trop disparaissaient les premiers. Ici, la gravité était morale. Alors on apprenait à peser. On collectionnait les fautes comme des médailles. On enfilait les humiliations comme des manteaux de plomb. Les familles enseignaient à leurs enfants l’art de mentir, de blesser avec délicatesse, de regretter sans jamais se pardonner. On pleurait avec des pierres dans les poches, on fêtait les anniversaires avec des silences, et on aimait en se méfiant. Mais Gabriel ne comprenait pas. Il parlait encore aux oiseaux. Il souriait sans raison. Il s’attardait sur les reflets de l’eau et riait de ses propres maladresses. Chaqu
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Défi
Je suis Lapinou, Oui, le Lapinou, celui dont une oreille est un peu plus courte, rafistolée tant de fois qu’elle en porte la mémoire des années. Mon ventre s’est affaissé sous le poids des étreintes. Je suis un doudou, un vrai. De ceux qui ont vieilli en silence, au rythme des jours, des saisons, des chagrins et des rires. Et aujourd’hui, je prends la parole. Pour raconter ma vie, la nôtre. Je suis né dans une boutique, bien aligné sur une étagère entre un ours en peluche trop rigide et un éléphant gris un peu trop bavard à mon goût, il chantait quand on appuyait sur son ventre. Puis elle est arrivée. Les yeux grands ouverts, tout juste débarquée dans le monde. Quand sa mère m’a tendu vers elle, j’ai su, c’était moi, j'étais fait pour elle. Elle m’a serré contre son torse chaud, et dès cet instant, je ne l’ai plus quittée. Les premiers mois, je dormais niché contre sa joue. J’étais son rempart contre le noir, les bruits étranges, les monstres imaginaires, j’étais une armure en tissu. J’ai traversé avec elle les poussées de dents, les nuits fiévreuses, les départs en vacances et les retours en pleurs. Une main en moins, un fil de plus, je restais là. Aujourd’hui encore, je vis au cr
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Il fut un temps où l’hiver n’existait pas. Les blés montaient sans fin, les fruits ployaient les arbres, et les jours s’étiraient comme des promesses sans fin. Le soleil semblait éternel, et la terre fertile ne connaissait ni repos ni silence. C’était un monde de lumière et d’abondance. Mais cette abondance avait un prix. Les hommes, repus de soleil, se crurent maîtres de la création. Ils coupaient les forêts pour dresser leurs villes, capturaient les bêtes pour les soumettre ou les dévorer. Ils arrachaient les fleurs avant qu’elles ne fanent, tuaient les oiseaux pour leurs plumes, asséchaient les rivières pour irriguer des cultures toujours plus grandes. Tout ce qui ne servait pas était détruit. Tout ce qui résistait était conquis. Ils prenaient, prenaient encore, sans jamais offrir de retour. Le ciel était clair, mais les cœurs, aveuglés. Les jours s’allongeaient, mais les esprits se refermaient. Perséphone était fille de Déméter, née dans l’éclat des champs dorés, promise à l’éternel été. Belle, douce, éclatante. Pourtant, derrière ses yeux brillait un doute. Une lumière fatiguée. Dans le monde du dessus, tout était mesure, contrôle, exigence de perfection. Déméter veillait sur
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Elle s’appelle Ebi. Ou en tout cas, c’est le nom qu’elle utilise quand elle écrit. Elle a 26 ans, un coca frais à la main, et un carnet ouvert devant elle. Une page blanche qui la regarde comme si elle lui devait quelque chose. Comme si elle était attendue au tournant. Ebi écrit depuis toujours. Dans les marges de ses cahiers, sur des coins de feuilles, au dos de vieilles enveloppes. Des mots jetés comme ça, sans suite, juste parce qu’ils devaient sortir. Mais depuis bientôt un an, elle s’y est mise sérieusement. Tous les jours. Elle noircit des pages de thrillers, de dialogues tendus, de plans ficelés dans sa tête bien avant que le stylo ne touche le papier. Elle déroule les intrigues avec méthode, elle laisse ses personnages respirer. Mais ce soir, elle veut écrire quelque chose de vrai. Quelque chose qui lui ressemble. Et c’est à ce moment que tout coince. Ce n’est pas qu’elle ne sait pas quoi dire. C’est qu’elle ne sait pas comment le dire. Elle a trop de mots, trop de sensations. Tout remonte en désordre. Une colère enfouie. Un chagrin ancien. Une peur confuse de ne pas être assez. Elle ouvre un carnet. Le referme. Regarde à nouveau la page. Se parle toute seule : Allez, troi
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