OUESSOUASSES (Epopée Sawa)

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Image de couverture de OUESSOUASSES (Epopée Sawa)

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Les voix s'élevaient au loin, traversant le long corridor sinueux que la rue déserte traçait entre les maisons modestes de notre zone pavillonnaire. Elles enjambaient, en grondant, la haute grille de notre portaille et s'engouffraient dans la fenêtre, laissée ouverte. Je devais découvrir que même fermée, elles parvenaient à s'insinuer entre les interstices de la fenêtre en bois usagé et porter jusqu'à moi leurs messages menaçants.

Elles ne provenaient pas uniquement de la rue voisine, matérialisant l'agressivité non contenue de petits thugs de cité à qui je n'aurai même pas donné l'heure. Proches et lointaines. Plusieurs cloisons nous séparaient, et me protégeaient malgré tout.

Je décidais de ne pas y prêter attention, en me concentrant sur mon travail, sur lequel j'avais déjà pris du retard. Jusqu'au jour où un cousin vint s'assoir dans la pièce commune où je me trouvais, et alluma son portable afin de me faire entendre, à peine quelques secondes, ces rires et voix sinistres. Effrayantes. Il savait que je n'allais pas le confronter, ayant l'esprit déjà l'esprit trop embrouillé pour tirer les conclusions qui pourtant s'imposaient. J'étais piégée dans une insécurité totale, cerclée de hautes murailles. De là où je me trouvais, au fond du trou, à quelques jours pourtant de moments heureux, je ne voyais plus de perspective apaisée devant moi.

Le déni de mes proches, participant à cet encerclement lent, vicieux et progressif m'enfonçait chaque jour davantage dans le vide.

Aucune des plaintes posées auprès d'institutions complices, ce qui me paraissait alors impossible d'envisager, ou d' employés d'associations d'aide aux victimes, amusées par mon désarroi, ne m'avait préparé à cette absence totale de justice, blanche comme le linceul drapant la justiciable que j'avais été. Un amoncellement de plaintes muettes, murmures invisibles et asphyxiés jusqu'à ce que mort sociale s'ensuive, dans une indifférence générale.

Lorsque même la pensée magique suivant laquelle il y'a toujours quelqu'un, quelque part, quelque chose à quoi se raccrocher, vous quitte prématurément, car j'étais encore trop jeune pour une aussi cruelle et abrupte désillusion, la chute est inévitable.

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Je trainais cet article depuis trop longtemps déjà. J'avais pris depuis deux semaines la résolution d' en finir une bonne fois pour toute, et expédier en 3000 signes la passion grandissante des pensionnaires de la maison de retraite communale pour la danse de salon.

Le reportage avait été bouclé un mois plus tôt, avant mon départ en vacances avec X. (qui avait été bizarre tout le long).

Certes son humeur changeante et ses allusions étranges n'avaient pas arrangé mes affaires, mais quand même 3000 signes, c'était pas le bout du monde non plus....

Je décidais donc de m'y mettre, lorsqu'une voix au loin, attira mon attention.

Non, cette fois, rien ne me ferait dévier. Je décidai de me concentrer. La voix s'intensifia, et d'autres l'accompagnèrent, créant une cacophonie inhabituelle et inédite dans un quartier résidentiel aussi calme. Je tendis l'oreille malgré moi. Les insultes étaient ciblées et semblaient me viser.

Je décidai de ne pas y prêter attention: mon esprit bohème essayait probablement de me distraire à nouveau.

Les voix s'amplifièrent. Je tenais à proximité l'appareil qui avaient servi à enregistrer les témoignages des pensionnaires. Je le mis en marche quelques minutes. Puis je déroulai l'enregistrement. Les menaces étaient réelles, à peine audibles mais réelles. Et ciblées. Concrètement là, sur cette bande-son.

Je repoussai l'ordinateur, le carnet de note et j'éteins l'appareil.

Je n'allais pas écrire cet article, aujourd'hui non plus.

Je regrettai, ironie du sort, d'avoir enfin une bonne et amère raison de ne pas le faire.

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Juillet 2017- Sud de la France

Soleil, plage et farniente.

Poisson à la provençale frétillant encore, sur les grilles fumantes du barbeuk.

Chapeau de paille, pieds en éventail dans des tongs élimés, sables qui colle aux talons nus et légèrement écaillés.

Rires et cris d'enfants qui s'égaillent, plus libres que le vent léger des fins de journées traversant le camping.

X est bizarre. J'essaie de comprendre ce qui ne va pas. Il fait si beau, le ciel affiche la serenité qui lui fait défaut depuis le début des vacances.

X a pourtant insisté pour venir, ne laissant aucune place au refus. Avec ses airs mauvais d'agent de la DST qui épient, questionnent en silence, jugent et sanctionnent, l'oeil incisif.

Grillade, bain de soleil, piscine et jeu d'eau. Sieste et visites. Visites et sieste. Dîner au clair de lune.

X passe des heures au téléphone. J'entends parfois,sans épier- enfin, pas vraiment- les mots qui reviennent comme une incantation funèbre: " Que du liquide", "Equipe locale", "Pression", "Craquer", "PsyOp".....

Il fait si beau dehors. Pourquoi travailler en vacances? X est bizarre. Bref! A chacun ses problèmes. Le mien ce soir, consiste à faire sécher nos shorts car la prochaine journée s'annonce caniculaire.

Coquillage, chateau de sable, le ressac des vagues qui nous pourchasse jusqu'au rivage, peaux salées.

Peaux cuivrées, bénies par le soleil.

X m'insupporte. Vivement qu'on rentre et qu'on prenne nos distances. Pourquoi avoir insisté pour venir, et nous imposer son humeur perpétuellement massacrante?

Je rentre à Banlieue-Plage. Tours bétonnées, rasées par le soleil. Jeunes, et moins jeunes, en uniformes joggings-casquettes-virgulés qui tiennent les murs qui les ont vu naître. Je mesure ma chance de pouvoir voyager, et faire voyager mes enfants.

Je me pose enfin prête à reprendre le travail. J'ouvre l'ordi: Stylo, bloc-notes, cafés, bouquins.

" WESH, GROSSE TAINP...T'AS CRU QUE T'ALLAIS ECHAPPER A X., WESH! T'AS ETE ACHETEE, T'ES SA PROPRIETE. SA CHOSE, SON ESCLAVE, SALE TAINP, TU LUI APPARTIENS...."

Voix au loin, insultes, menaces. Le début d'une danse macabre qui ne cessera plus, la mise en place d'un encerclement systèmique, plus épais que les murs d'une geole.

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Table des matières

Au départ était le bruit...

Exercice préparatoire n°2/3 : la plus grande faiblesse de votre héros

Exercice préparatoire n°3/3 : Le plus grand désir de votre héros

Premier étape de votre roman - Il était une fois…

Seconde étape - Le bouleversement

Quatrième étape - De l'autre côté du miroir

Cinquième étape - L'aventure progresse

Sixième étape - L'apogée temporaire

Huitième étape - La tempête

Neuvième étape - Un changement de perspective

Dixième étape - L'ultime préparation

Onzième étape - L'épreuve suprême

Douzième étape - Le feu de camp

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